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Contemporary Digital Art

Conservation, dissemination and market access


François Rochon

François Rochon is trained as an electrical engineer. His passion for finance led him to make a career change and become a portfolio manager. He began to manage private portfolios as of 1993. In 1998, he decided to found Giverny Capital Inc., a portfolio management company with a long-term investment philosophy. François Rochon has written columns for various magazines and websites over the years. He is currently columnist at the website “les.affaireres.com” and the newspaper “The Gazette.” Mr. Rochon has also been a member of several boards over the years. He currently sits on the board of directors of the Albright-Know Museum in Buffalo as well as on the acquisitions committees of three other museums: the Montreal Museum of Fine Arts, Musée National des Beaux-Arts du Québec and the Hirshhorn Museum in Washington, DC. Since 2000, he has overseen a collection of contemporary art at Giverny Capital. The collection comprises around 400 works, among which there are several video and multimedia installations.



Collectionner « l’incollectionnable » :
La collection Giverny Capital

[English translation not available]

La firme de gestion de fortunes privées Giverny Capital Inc., fondée en 1998, a commencé à constituer une collection d’œuvres d’artistes contemporains en 2001. Son président, François Rochon, en est le conservateur. Pour ce dernier, l’art est l’investissement suprême. C’est l’équivalent du testament d'une civilisation, le témoin le plus pur des rêves, émotions et quêtes de ses représentants. C’est ce qui survit à une ère, telles des bouteilles lancées à la mer pour les générations futures. M. Rochon n’hésite pas à acquérir des œuvres de prime abord difficiles d’approche. « Pour qu’une personne ou une civilisation progresse, elle doit surmonter ses peurs. L’art visuel nous permet – de manière souvent percutante – d’être confronté comme peuple à nos peurs et angoisses, surtout celles aux sources plus inconscientes. Le rôle du mécène est de soutenir les artistes dans cette tâche difficile. Ce rôle dépasse le cadre de l’intendance : le collectionneur devient l’équivalent d’un catalyseur, permettant à une œuvre d’art importante d’éventuellement créer un lien avec les membres de la communauté à laquelle elle fait écho. »

Les œuvres achetées ont d’abord été plus traditionnelles en ce qui a trait au medium – peintures, sculptures, photographies. C’est en 2010 que les premières œuvres vidéo furent intégrées à la collection, et en 2012 que les premières œuvres multimédias furent acquises. Du côté de la vidéo, la collection comprend des œuvres d’artistes tels que Patrick Bernatchez, Pascal Grandmaison, Kelly Richardson, Adad Hannah, Spring Hurlbut et Charles Stankievitch. Elle compte également des œuvres des pionniers de l’art multimédia : Joseph Kosuth, James Turrell et Michael Snow. Des artistes contemporains viennent compléter ce corpus, tels que l’Argentin basé au Brésil Eduardo Basualdo. Son œuvre Traffic Light (2011) montre un feu de circulation dont la lumière serait perpétuellement jaune, dans un état d’attente constante. L’œuvre Signs (1992), de Barbara Steinman, présente quant à elle une série de boîtes lumineuses affichant le mot silence.

Plusieurs œuvres de l’artiste montréalais d’origine mexicaine Rafael Lozano-Hemmer ont récemment été ajoutées à la collection. Zero Noon (2013) présente des statistiques journalières sous forme d’horloge. Le système est fait pour qu’à midi exactement, toutes les statistiques se remettent à zéro. On peut donc apprendre, au courant de la journée, le nombre de biscuits vendus par les scouts, le nombre de transactions bancaires au Brésil, le nombre de citrons produits ou le nombre d’accidents de la route. Les statistiques sont toujours mises à jour puisque le dispositif est connecté au réseau Internet. Certaines sont anodines, d’autres choquantes – toujours dans le but de faire réfléchir le regardeur. Son œuvre Level of Confidence (2015) consiste quant à elle en un système de reconnaissance faciale en lien avec une base de données comprenant les caractéristiques faciales des 43 étudiants mexicains disparus en 2014. Lorsqu’il se présente devant l’œuvre, une caméra capte le visage du regardeur et établit le pourcentage de ressemblance avec chacun des étudiants répertoriés, dans l’espoir d’obtenir un jour une ressemblance de 100 % et ainsi d’en retrouver un. Une troisième œuvre de cet artiste multimédia figurant dans la collection est Last Breath (2012), qui consiste en une machine motorisée faisant gonfler et dégonfler un sac en papier contenant le souffle d’une personne. La machine est programmée pour effectuer 10 000 respirations par jour, incluant 158 soupirs – le nombre moyen de respirations d’un adulte au repos. Ce dispositif fait donc vivre le souffle d’une personne pour l’éternité.

L’œuvre multimédia Measuring Stick (2015), de Sarah Sze, figure également dans la collection Giverny Capital. Cette sculpture installative se penche sur la mesure du temps et de l’espace au travers de l’image en mouvement. Elle comprend du son, des projections et de l’éclairage.

Collectionner ce type d’œuvres vient avec certains enjeux de mise en fonction, de conservation et de présentation. Ces œuvres multimédias sont généralement accompagnées de manuels d’instruction détaillés, et demandent souvent le soutien technique de l’artiste lui-même ou de son technicien. Elles ne sont pas toujours présentées dans leur état originel – comme l’œuvre de Sarah Sze, pratiquement impossible à recréer dans sa forme initiale vu le nombre d’éléments qui la composent. Ces œuvres exigent un investissement de temps pour les faire fonctionner ainsi que pour en assurer la maintenance. Elles demandent aussi parfois de constituer des réserves, étant donné l’évolution constante des technologies et des matériaux : pour l’œuvre Signs de Barbara Steinman, par exemple, nous avons dû acheter des caisses d’ampoules lumineuses conçues pour ce type de boîtes afin de toujours en avoir même si elles deviennent introuvables sur le marché. Ce type d’œuvres demandent de l’adaptation et de l’ajustement. Elles exigent davantage que de poser un tableau sur un mur, mais demeurent un témoin de notre ère qu’il est important de collectionner pour la postérité.

François Rochon © 2016 FDL