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nungu et Beatrice Gibson

Human Capital

nungu, Masala X, 2001
nungu, Masala X, 2001 nungu, Masala X, 2001 nungu, Masala X, 2001
Actuellement établi à Bombay, en Inde, nungu est un collectif d’artistes nationaux et internationaux travaillant dans le domaine des nouveaux médias en vue de créer des œuvres d’art en réseau. À l’origine, nungu se présentait sous forme d’un magazine multimédia électronique mais s’est rapidement transformé en espace culturel autonome en constante transformation. Convaincu du potentiel social inhérent aux systèmes en réseaux perçus comme des zones autonomes capables d’exercer une critique de la culture, nungu favorise l’accès à l’art et à la technologie au plus grand nombre.

En octobre 2001, nungu s’associe avec Sarai Media Lab le laboratoire médiatique situé à Delhi, en Inde, et offre un atelier intitulé « writing the city - electronic ». Les deux organismes ont également collaboré à un projet, Mrs Jeevan Jham, portant sur les thèmes de la surveillance, de la transparence et de la sécurité. Beatrice Gibson et Vishal Rawlley ont créé, pour fictive.net à New York, Masala X, un documentaire électronique sur la pornographie disponible dans les rues des villes en Inde. (1)

Puisant dans les antécédents littéraires de ses fondateurs, nungu s’est d’emblée intéressé au texte électronique comme nouveau moyen d’expression en mettant l’accent sur les aspects phonétiques du mot. nungu reconnaît ainsi l’importance des recherches sur les caractéristiques non sémantiques du langage entreprises par les futuristes russes et italiens, et par les poètes dadaïstes, toujours dans l’optique de questionner l’hégémonie du visuel et du regard. De plus, à la suite de McLuhan pour qui la communication électronique et les médias de masse subvertissent l’espace visuel en introduisant un espace acoustique, nungu estime que la nature acoustique du cyberespace en fait l’environnement idéal pour pousser plus loin l’exploration du texte. Il s’agit donc, dans le projet soutenu par la fondation, d’examiner le son comme texte, de fouiller ce qu’il en est de la « soniture  », comme le dit Gibson avec à-propos, dans un contexte très particulier, celui de la télématique.

Comme chacun le sait, les technologies de la communication se développent selon les besoins du capitalisme. En outre, profit et mondialisation obligent, les centres de production de biens ou de services se déplacent vers les endroits où la main-d’œuvre se négocie au rabais. On assiste en ce moment en Inde à l’implantation de tels centres car on y trouve à profusion des travailleurs éduqués qui parlent anglais et maîtrisent les technologies de l’information. Afin d’être sur la même longueur d’onde que leurs interlocuteurs européens ou américains, les télétravailleurs répondent « bon après-midi » alors qu’il fait nuit chez eux, regardent des émissions de télévision pour apprivoiser les accents locaux, et suivent même une session de deux heures les informant sur la famille royale britannique.

La question qui anime le projet est donc la suivante : « quelle est la nature de cette subjectivité désincarnée post-humaine? Et de cette expérience du télétravailleur alors que sa voix se perd dans l’espace et le temps? ». Outre une exploration esthétique de la proximité désincarnée du télétravailleur, et de façon plus stratégique, le projet vise à explorer cette question : « Comment peut-on utiliser les textes produits par la télématique et le capitalisme pour comprendre leur logique? ». Autrement dit, rendre audible la logique souvent subliminale des communications télématiques, et rendre manifeste la disparition de l’importance de l’espace social provoquée par l’accélération du temps.

Faisant appel à la poésie mécanique, à l’expérience d’être à plusieurs endroits au même moment, à cette présence paradoxale propre au télétravailleur, nungu adopte une structure similaire à celle d’un jeu dans lequel l’utilisateur doit choisir parmi une cacophonie de textes qui se contaminent. Trois paramètres servent de balises au projet : le modèle de ces centres d’appel tels qu’on les trouve en Inde, la poésie sonore générée de façon mécanique, et le passage de l’utilisateur dans l’espace.

Jacques Perron © 2002 FDL