e-art

Lynn Hershman, Une chambre à soi
Une chambre à soi
(1990-1993)
Une chambre à soi (1990-1993)
Vue de l'intérieur du « peep show »
Photo reproduite avec la permission de l'artiste

Lynn Hershman, DiNA
DiNA (2004-)
DiNA (2004-)
Vue de l'installation
Photo reproduite avec la permission de l'artiste

Lynn Hershman, La vie au carré
La vie au carré (2007)
Lynn Hershman, La vie au carré (2007)
Roberta Breitmore dans La vie au carré
Photo reproduite avec la permission de l'artiste

Lynn Hershman, The Electronic Diaries
The Electronic Diaries (1986-1989)
Lynn Hershman, The Electronic Diaries (1986-1989)
Image tirée du vidéogramme
Gracieuseté de l'artiste

Lynn Hershman, The Electronic Diary
Longshot (1989)
Lynn Hershman, Longshot (1989)
Image tirée du vidéogramme
Gracieuseté de l'artiste

Lynn Hershman, The Electronic Diary
Seeing is Believing (1991)
Lynn Hershman, Seeing is Believing (1991)
Image tirée du vidéogramme
Gracieuseté de l'artiste

Lynn Hershman, The Electronic Diary
Shooting Script: A Transatlantic Love Story (1992)
Lynn Hershman, Shooting Script: A Transatlantic Love Story (1992)
Image tirée du vidéogramme
Gracieuseté de l'artiste
Lynn Hershman Leeson
Née à Cleveland (Ohio) en 1941
Vit et travaille à San Francisco (Californie)

Avec Lynn Hershman nous traversons le miroir, nous entrons là où les apparences sont trompeuses, là où la duplicité règne, un monde dans lequel agit le jeu des identités parmi les mirages médiatiques. L'ensemble de son œuvre est traversé par sa fascination pour les identités fluctuantes que nous portons et comment l'environnement médiatique nous offre des identités de rechange, des masques et des exutoires.

Même le récit de sa carrière doit débuter par l'exposition d'un canular : une partie de son mémoire de maîtrise a consisté à rédiger de la critique d'art sous trois pseudonymes : Juris Prudence, Herbert Goode et Gay Abandon. Elle est maintenant considérée comme l'une des artistes les plus importantes de la côte ouest des États-Unis. Les travaux artistiques de ce véritable touche-à-tout prennent racine dans l'art conceptuel et la performance des années 1960 et 1970. À partir des années 1980 et 1990, la vidéo deviendra importante dans son travail par la production de plus de 20 vidéos et films incluant Lorna (1982), une des premières vidéos interactives au récit non linéaire.

« L'art de Lynn Hershman est parmi les plus énigmatiques, psychologiquement troublant et philosophiquement ambivalent de l'art produit par sa génération », affirme Howard N. Fox le conservateur de l'art moderne et contemporain au Los Angeles County Museum of Art. (1) Lynn Hershman Leeson parcourt la volatilité des images et la vicariance des identités dans notre monde hautement médiatisé des simulacres et des simulations. (2)

Il serait certes trop long ici de parcourir l'ensemble de cette riche carrière, mais notre exposition permet de voir trois œuvres ainsi que plusieurs de ses films et vidéos comme The Electronic Diaries (1986-1989), œuvre marquante de son cheminement pour l'articulation de sa personne (l'artiste) et de ses personae; ou Shooting Script: A Transatlantic Love Story (1992). (3) Dans les œuvres vidéographiques des années 1980 et 90, Hershman explore les notions d'intimité et de publicité, d'authenticité et de duplicité. Avec Une Chambre à soi (1990-1993), Hershman se préoccupe du positionnement des femmes face aux regards qui les définissent dans le régime des images médiatiques, de la publicité à la pornographie. Cette œuvre creuse ses racines dans plusieurs sources : son titre est celui du fameux roman de Virginia Woolf, sa forme s'inspire du kinétoscope d'Edison, communément appelé le « peep-show » et qui a permis les premières vues animées érotiques ou pornographiques. Surtout, c'est le corps de la femme qui est ainsi cadré par le regard et le désir masculin. Une investigation portant son soupçon sur le regard du spectateur qui détermine le récit en étant capté dans sa position de surveillance et de voyeurisme.

Mais il vaut la peine de mentionner avec quelques détails l'intervention in situ plus ancienne The Dante Hotel, qu'Hershman présentait en 1973-1974 dans cet hôtel de San Francisco, ainsi que Roberta Breitmore, une persona qui a occupé l'artiste de 1971 à 1978 et a donné lieu à de nombreuses performances. Ces deux œuvres sont reprises dans La vie au carré (2007) dont c'est la première mondiale ici à Montréal.

Pendant 9 mois, en 1973 et 1974, Hershman occupa une chambre du Dante Hotel ; sa chambre était ouverte 24 heures sur 24. Elle avait disposé dans la chambre 47 des objets trouvés dans les environs – des lunettes, des produits cosmétiques, des vêtements – traces improbables de vies à inventer, afin de recréer la vie présumée des occupants passés de la chambre. Une radio faisait entendre les nouvelles locales sur fond de respirations amplifiées qu'émettait un haut-parleur sous le lit ; dans celui-ci étaient couchés deux mannequins de cire grandeur nature. Au-dessus d'eux, une tapisserie était faite de photographies de la chambre elle-même. Cette œuvre aurait dû être permanente, mais un jour un certain Owen Moore visita la chambre à trois heures du matin et, croyant avoir trouvé des cadavres dans le lit, téléphona à la police. La police confisqua tous les objets qui demeurent encore à ce jour à être réclamés. (4)

Quant à Roberta Breitmore, ce même Howard N. Fox la considère comme une œuvre maîtresse qui a marqué l'apparition chez Hershman de ses stratégies artistiques postmodernes. (5) Roberta a été une performance privée pour la simulation d'une personne fictive qui existe dans la vraie vie. (6) L'artiste a créé une persona « composée de données psychologiques stéréotypées et accumulées », (7) dont restent des traces « historiques » de ses manifestations dans la société (carte de crédit, numéro d'assurance sociale, etc.), des dessins, des photographies, des rapports de surveillance, un film, des bandes dessinées, des lettres, des documents médicaux et d'autres artefacts. Cette archive est maintenant hébergée à la Special Collections Library de l'Université Stanford en Californie.

Or la nouvelle œuvre, La vie au carré, réalisée ces dernières années avec des chercheurs du Stanford Humanities Lab et dont c'est ici la première présentation publique, reprend ces deux œuvres plus anciennes, l'une dont les traces sont confisquées et l'autre dont les archives, bien que nombreuses, ne peuvent qu'être parcellaires pour rendre compte « d'une vie ». La vie au carré s'applique à rendre ces archives accessibles dans le monde virtuel en ligne, Second Life, (8) où nous sommes accueillis par Roberta Breitmore dans le Dante Hotel. Qu'arrive-t-il quand un avatar incarne le personnage virtuel d'une personne simulée ? Qui parle ici ? Nous sommes entre fiction et histoire, mais l'histoire d'une simulation, nous sommes pris dans l'enchevêtrement de la fiction et de la trace laissée par l'histoire. Qu'est-ce que l'histoire dans ce monde des simulacres et des vies simulées ? Qu'est-ce que l'art dans ce monde, pas encore de seconde nature, qu'est Second Life ?

J.G. © FDL 2007


(1) Traduction libre. Citation originale en anglais : « Hershman's art is among the most enigmatic, psychologically troubling, and philosophically ambivalent art produced by her generation ». Howard N. Fox, « Breaking the Code » dans The Art and Films of Lynn Hershman Leeson : Secret Agents, Private I, sous la direction de Meredith Tromble, Berkeley, University of California Press ; Seattle,Henry Art Gallery, 2005, p. 1.
(2) Il peut-être amusant de souligner que Lynn Hershman Leeson méritait, en 1995, le prix Siemens-Medienkunstpreis, du Zentrum für Kunst und Medientechnologie (ZKM) de Karlsruhe, en Allemagne, également décerné la même année à Jean Baudrillard, qui publia Simulacres et simulation en 1981.
(3) Voir l'horaire des films et des vidéos pour les programmes complets.
(4) Voir Lynn Hershman Leeson, « Private I: An Investigator's Timeline », op. cit., p. 20-23.
(5) Howard N. Fox, « Breaking the Code », op. cit., p. 2.
(6) Voir Lynn Hershman Leeson, « Private I: An Investigator's Timeline », op. cit., p. 25.
(7) Traduction libre. Citation originale en anglais : « ...composited from accumulated stereotyped psychological data ». Lynn Hershman Leeson, ibid., p 25.
(8) Second Life : http://www.secondlife.com/
Œuvres exposées

Une chambre à soi (1990-1993)

En collaboration avec Sara Roberts
Programmeur : Palle Henckle
Dispositif interactif informatisé, comprenant disque laser et lecteur de disque laser, miroir, caméra, projecteur, haut-parleurs et ameublement de maison de poupée, montés dans une boîte en panneau dur, plexiglas et métal, avec un tapis réagissant à la pression
Collection du Musée des beaux-arts du Canada

DiNA (2004-)

Projecteur vidéo et ordinateur, capteurs, logiciel Pulse 3D veepers, Alicebot, et voix naturelles, ligne internet
Programmeur : Colin Klingman
Directeur de projet : Kyle Stephan
Web design : Stephanie Chu
Fabrication : Matt Heckert
Collection de l'artiste
Édition de 3

La vie au carré (2007)

Deux écrans plasma, caméra vidéo, ordinateurs, artefacts du Dante Hotel, photographies 10,1 cm x 12,7 cm, ligne internet
Gestionnaire de projet et développeur : Henrik Bennetsen
Développeurs : Jeff Aldrich, Henry Segerman
Chercheurs : Henry Lowood, Michael Shanks
Collection de l'artiste

The Electronic Diaries (1986-1989)

66 min, vidéogramme, couleur
En anglais

Longshot (1989)

58 min, vidéogramme, couleur
En anglais

Seeing is Believing (1991)

58 min, vidéogramme, couleur
En anglais

Shooting Script: A Transatlantic Love Story (1992)

52 min, vidéogramme, couleur
En anglais

Biographie

Lynn Hershman Leeson est titulaire d'un baccalauréat en éducation, en administration muséale et en art de la Case Western Reserve University, de Cleveland, Ohio (1963) et d'un diplôme de maîtrise en art de la San Francisco State University, Californie (1972). Elle a été professeure émérite en art numérique au Techno Cultural Studies Program à l'Université de Californie à Davis et est présentement A.D. White Professor-at-Large à l'Université Cornell. Son œuvre a fait l'objet de très nombreuses présentations partout dans le monde. Parmi ses expositions individuelles, citons celle en 2006 de la Henry Art Gallery de Seattle, Washington, une rétrospective majeure de son travail. Elle a reçu plusieurs distinctions prestigieuses, dont, en 1995, le prix Siemens-Medienkunstpreis, du Zentrum für Kunst und Medientechnologie (ZKM) de Karlsruhe, en Allemagne, le Flintridge Foundation Award pour l'ensemble de sa carrière en arts visuels (1998), le Golden Nica en arts interactifs de Ars Electronica (1999) et le prix d'innovation positive dans les médias de la Digital Media and Arts Association (2005).

Liens :
Musée des beaux-arts de Montréal Fondation Daniel Langlois