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Char Davies

Char Davies, Osmose, 1995
Char Davies, Rose Tree, 1995 Char Davies, Tree Pond Red, 1995 Char Davies, Rocks and Roots, 1995
Née en 1954 à Toronto, au Canada, Char Davies a étudié de 1973 à 1975 au Bennington College, au Vermont, et à la University of Victoria, en Colombie-Britannique, où elle obtient en 1978 un baccalauréat en beaux-arts. Elle poursuit présentement des études de doctorat en philosophie des arts médiatiques à la University of Wales College, à Newport au Pays de Galles (Royaume-Uni).

À l'origine peintre, Davies commence à s'intéresser aux possibilités de l'infographie et de l'animation et, en 1985, elle se joint à Softimage, peu de temps après sa fondation. Elle a joué plusieurs rôles au sein de l'entreprise : membre du conseil d'administration de 1988 à 1994, vice-présidente de la recherche visuelle (1988-1994) et directrice de la recherche visuelle (1988 à 1997). Depuis son départ de Softimage à la fin des années 90, Davies se consacre à sa carrière artistique en utilisant les technologies dont elle a facilité le développement à Softimage. En 1988, elle fonde Immersence Inc. « dans le but de poursuivre une recherche artistique en espace virtuel immersif ». (1)

Son travail en infographie lui a valu en 1993 le Prix Distinction au Prix Ars Electronica à Linz, en Autriche, en 1991 le Prix Pixel Image de Imagina à Monte Carlo, Monaco et, en 1990, une Mention honorifique au Prix Ars Electronica.

Présentées de par le monde, les installations interactives en réalité virtuelle de Davies, Osmose (1994-1996) et Éphémère (1996-1998), ont récolté reconnaissance et succès critique. Les deux œuvres ont également été montrées dans différents contextes, artistiques et scientifiques. Par exemple, elles ont été installées pour une période de temps prolongé dans un laboratoire de recherche portant sur les rêves et les cauchemars dans un hôpital de Montréal. Osmose et Éphémère ont été exposées au San Francisco Museum of Modern Art de mars à juin 2001 ainsi qu'à l'Australian Centre for the Moving Image (ACMI) à Melbourne en Australie, de décembre 2003 à février 2004.

Le premier corpus d'œuvres informatiques de Davies s'intitule Interior Body Series (1990-1993). Cette série se compose de sept grandes boîtes lumineuses comprenant chacune une photographie numérique en trois dimensions imprimée sur Duratran en couleur : La Floraison (1990), La Feuille (1990), Le Ruisseau (1991), La Racine (1991), La Semence (1991), Le Désir (1993), La Noyade (L'Extase) (1993). Ces photographies inspirées de la nature annoncent l'imagerie qui resurgira dans ses prochaines installations en réalité virtuelle - Osmose (1994-1995) et Éphémère (1996-1998) - et explorent les possibilités symboliques du monde naturel ravivé par la technologie. Ces expériences en représentation tridimensionnelle évoquent certains désirs déjà présents dans la pratique picturale de Davies.

« J'utilise l'ordinateur comme un outil. Il ne détermine pas ma pratique artistique. Il y a 15 ans, des représentations graphiques se manifestaient déjà dans mon travail pictural. Par exemple, des particules lumineuses envahissent une peinture à l'huile exécutée en 1981. Si j'ai commencé à utiliser les ordinateurs, c'est que le contenu que je voulais exprimer comme artiste et l'esthétique que j'ai élaborée pour exprimer ce contenu sont identiques. À un moment donné, la peinture ne me semblait plus une forme d'expression adéquate pour rendre ce que je voulais dire. Je voulais décrire un espace enveloppant. Comment décrire ce type d'espace sur une surface plane? » (2)

Même si les photographies en trois dimensions s'approchent de l'expérience d'immersion que cherche Davies, celle-ci demeure insatisfaite.

Produite par Softimage Inc., Osmose est lancée au Musée d'art contemporain de Montréal en 1995. Saluée comme l'une des premières vraies œuvres d'art en réalité virtuelle, cette installation interactive comprenant des sons en direct suscite l'enthousiasme chez plusieurs critiques. Afin de faire l'expérience de nombreux mondes virtuels (3), le visiteur doit mettre un casque de visualisation et revêtir une veste munie d'une interface.

La veste et le casque analysent la capacité pulmonaire et le mouvement, et ces données se traduisent dans la propre expérience en temps réel de l'utilisateur à l'intérieur de ces mondes virtuels. Si l'utilisateur se penche vers l'avant, il traverse un monde. S'il inspire, son corps s'élève virtuellement dans un monde au-delà, baignant dans une sensation de flottement et d'apesanteur.

« Avec Osmose, j'utilise la respiration d'une manière très spécifique, non seulement aux fins de la navigation, mais également pour aider les gens à reprendre contact avec leur corps. Cela entraîne un certain état d'esprit qui influence leur manière d'interagir. L'objectif d'Osmose est de susciter chez eux l'abandon du besoin de contrôle. La plupart des technologies interactives nécessitent d'être en contrôle. Lorsque vous jouez, vous êtes récompensés pour votre habilité à contrôler, pour la rapidité de vos réflexes. » (4)

Le sentiment « d'extase », comme le décrit Davies, qui est au coeur de son travail témoigne de son engagement à défier les limites et les règles qui constituent une grande part des technologies interactives. Osmose - le processus biologique indiquant le passage d'un liquide à travers une membrane - veut dire exactement cela : le passage, par le corps et dans le temps, à un autre état où les utilisateurs sont conscients d'eux-mêmes et capables d'ébranler leur vécu déterminé par la dualité cartésienne. L'expérience personnelle de l'œuvre se présente comme une exploration de nos peurs et de nos limitations individuelles. Margaret Morse décrit ainsi sa réaction à l'œuvre :

« J'ai expérimenté plusieurs des mondes de l'œuvre comme une occasion pour paniquer. Comme beaucoup d'asthmatiques, j'éprouve une peur vive et instantanée d'être sous l'eau. À l'évidence, même lorsqu'elle est symbolique, je ressens viscéralement cette eau et tout l'aspect d'étouffement qu'elle représente pour moi. Ajoutez à cela ma phobie des maths et le fait que l'un des mondes de l'œuvre consiste en langage machine qui défilait vers le haut plus vite que je ne pouvais m'en échapper en respirant de plus en plus. » (5)

Osmose est en effet une expérience d'immersion, un type d'enveloppement dont Davies continuera d'explorer les possibilités dans son œuvre suivante. Éphémère a été présentée en première au Musée des beaux-arts du Canada en 1998, lors d'une exposition solo subventionnée en partie par la fondation Daniel Langlois. Avec cette installation, l'immersant déambule dans des mondes virtuels et une imagerie plus fluides et ambigus car, cette fois-ci, Davies transforme les éléments de la nature (roche, arbre, organe corporel, os) en espaces navigables, éphémères et transparents.

À l'instar d'Osmose, la navigation repose sur la respiration et l'équilibre du participant, qui sont mesurés par un ordinateur relié au corps par l'entremise d'une veste dotée d'une interface et d'un casque de visualisation. Malgré ce fardeau technologique, les immersants vivent des expériences plutôt agréables grâce à la respiration nécessairement modulée et aux considérations de Davies à propos du sens que prend l'expérience d'un monde virtuel interactif. Éphémère témoigne du désir de Davies de repousser les limites de l'interactivité. Selon Jean Gagnon, commissaire de l'exposition, l'œuvre révèle « que cette haute et nouvelle technologie si souvent associée à l'univers et aux jouets masculins peut être mise au service d'une esthétique autre, et qu'une poétique y est possible ». (6)

Angela Plohman © 2000 FDL

(1) Char Davies, Immersence Home, (référence du 7 septembre 2000) http://www.immersence.com/

(2) Char Davies citée dans Carole Lee Craver, « Char Davies' OSMOSE » SGI Animator vol. 1 no 2, 1995, p. 17.

(3) Ces mondes comprennent le monde du texte et de la littérature, une forêt, une clairière, un étang, une feuille, la terre, l'abysse et le monde du code informatique.

(4) Ibid.

(5) Margaret Morse, Television, Media Art, and Cyberculture Bloomington, Indiana University Press, 1998, p. 209.

(6) Jean Gagnon, « Dionysos et la rêverie. L'immersion dans les environnements de Char Davies » in Éphémère, Ottawa, Musée des Beaux Arts du Canada, 1998, n.p.n.