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Irit Batsry

(New York, NY, États-Unis)

Irit Batsry, Giacometti's Scale, 1996
Irit Batsry, Giacometti's Scale, 1996 Irit Batsry, To Leave and To Take, 1997 Irit Batsry, To Leave and To Take, 1997
Irit Batsry, née en Israël en 1957, vit et travaille à New York depuis 1983. Titulaire d'un diplôme en beaux-arts de la Bezalel Academy of Art à Jerusalem (1983), elle travaille dès son arrivée à New York comme professeure et monteuse en ligne au Film/Video Arts. Elle jouit d'une brillante carrière en vidéo et en art médiatique et, déjà au début des années 80, elle atteint une renommée pour ses bandes vidéo expérimentales. Ses monobandes et ses bandes vidéo à canaux multiples ainsi que ses installations ont été présentées de par le monde dans des musées et des galeries, notamment au Institute of Contemporary Art (Londres, Angleterre), à la National Gallery (Washington, États-Unis), au Reina Sofia Museum (Madrid, Espagne), et au Witte de With (Rotterdam, Pays-Bas).

Au fil de sa carrière, Batsry a reçu plusieurs prix et bourses. Ses bandes vidéo ont remporté des prix dans de nombreux festivals internationaux, parmi lesquels Videoart à Locarno, en Suisse, et WRO Media Art Biennale à Wroclaw, en Pologne. En 1992, la Guggenheim Foundation lui accordait une bourse et, en 1996, la Société civile des auteurs multimédias l'honorait en lui attribuant le Grand Prix Vidéo de Création.

Irit Batsry exploite le médium de la vidéo à des fins politiques et esthétiques. Une importante série d'œuvres est regroupée de façon métaphorique dans Passage to Utopia (1985-1993). Cette trilogie comprend trois bandes vidéo qui marquent différentes périodes de la carrière de Batsry et traitent d'hégémonie et d'histoires individuelles ainsi que de la capacité des images et des sons à traduire ces histoires. Par exemple, avec Leaving the Old Ruin (1986-89) - la seconde bande de la trilogie, dont le thème devient par la suite une composante de l'installation Leaving the Old Ruin : Contaminated View (1989) - l'artiste se concentre sur le paysage et l'histoire. Grâce au traitement d'images analogiques et numériques, Batsry a créé une collection d'images nomades, méconnaissables et des paysages éphémères qui évoquent la difficulté de réconcilier mémoires individuelle et collective. Selon un critique, la métaphore de la « vieille ruine » proposée par Batsry illustre « la nature de l'homme-témoin et le sens de l'information enregistrée ». (1)

L'intérêt de Batsry pour les images éphémères, fugitives, difficiles à saisir de façon rationnelle se manifeste davantage lorsqu'elle entreprend l'exploration de la vie et de l'œuvre du grand architecte américain R. Buckminster Fuller (2). En 1991, Batsry réalise une bande vidéo A Simple Case of Vision et une installation ...of persistence of absence... qui examinent le trouble visuel dont souffrait Fuller à la fin de sa vie et qui l'amenait à voir des images floues presque tout le temps. Avec cette œuvre, Batsry examine les problèmes causés par les défauts de la vue et, par le fait même, comment les perceptions individuelles du monde, plus précisement celles de Fuller, sont affectées par ce handicap.

« Les images floues/nettes nous font craindre nous même de notre santé visuelle. Nous partageons ce handicap. Une expérience qui crée avec le protagoniste une communauté de vue. Un cénobitisme de la vision. Une vue se corrige avec des verres, de la science, de la connaissance. Mais quelque chose du passé persiste toujours. L'œil est esclave de son enfance, l'homme de l'Histoire, de la ruine. Le texte dit que, malgré les corrections, l'œil s'attache aux seules [sic] indices des grandes formes. » (3)

En 1993, le Centre International de Création Vidéo (CICV) à Montbéliard Belfort, en France, publie une importante monographie sur son travail : Irit Batsry : traces d'un passage (4) analyse ses différentes œuvres - vidéos et quelques installations - jusqu'à 1993. Plusieurs œuvres subséquentes, comme Scale (1995) et Giacometti's Scale (1995), montrent l'intérêt de Batsry pour une exploration formelle de la distorsion et de la perception avec la vidéo et l'espace.

Conçue comme une partie d'un projet thématique intitulé Neither There Nor Here (1994-jusqu'à présent), Batsry a créé une installation, To Leave and to Take (1997). Exposée la même année au centre d'artistes Oboro (Montréal, Canada) cette installation offrait au regard des éléments tactiles et physiques de l'expérience et de l'histoire par le truchement de milliers de grains de riz contenus dans des gants en plastique disposés comme des sacs de sable sur le plancher de la galerie.

« Au milieu de ces tonnes de riz, le regardeur est obligé de se questionner sur la pénurie et l'abondance. À la fin de l'exposition, le riz est utilisé pour cuisiner plus de 10 000 repas gratuits. Le visiteur est entouré par les projections vidéo d'une main qui déplace le riz d'un amoncellement à un autre, tranformant les murs et les colonnes en un lieu de transfert continu. Sur le mur d'une "chambre intérieure", le regardeur fait face à la projection grand format du visage d'une femme âgée qui gratte sans cesse un récipient, en alternance avec une femme qui mange dans une rue animée du "tiers-monde". Cette projection évoque une fenêtre sur un "ailleurs". »(5) Grâce aux possibilités technologiques du médium, Batsry réussit à rendre tactile une image bidimensionnelle.

La dernière œuvre de Batsry est un film produit lors d'une résidence à l'Academy of Media Art à Cologne, en Allemagne. La première de These Are Not My Images (Neither There Nor Here) (2000) a eu lieu au Rotterdam International Film Festival en janvier et février 2000. Le premier long métrage de Batsry raconte l'expérience d'une « cinéaste occidentale, accompagnée d'un guide presque aveugle, et de sa rencontre avec un cinéaste local dans un road movie factice qui se déroule dans un futur rapproché. » (6) Élément du même projet thématique incluant To Leave and To Take, une parmi d'autres explorations vidéographiques traitant du pouvoir (ou de l'absence de pouvoir) des images et des sons à conserver et à refléter l'histoire, cette critique du « documentaire » fouille la relation entre la capacité du médium à traduire les notions de réalité et l'expérience actuelle.

Batsry travaille maintenant à un projet inspiré par la Biosphère de Montréal et la vision de son concepteur, l'architecte R. Buckminster Fuller. Elle y élabore une installation vidéo multimédia in situ, qui explorera la création du dôme géodésique de Fuller, ses possibilités esthétiques, ainsi que les notions de perception abordées dans sa bande vidéo A Simple Case of Vision (1991). Batsry profitera de l'architecture de cet espace spectaculaire pour créer une installation qui approfondira de manière innovatrice l'interactivité technologique.

Angela Plohman © 2000 FDL

(1) Laura Hoptman, « Two Hands Writing and Erasing Simultaneously : The Video Work of Irit Batsry », Women Artists News (automne 1988), p. 12.

(2) Your Private Sky : R. Buckminster Fuller : The Art of Design Science, sous la direction de Joachim Krausse et Claude Lichtenstein (Baden-Baden : Lars Müller, 1999).

(3) Marc Mercier, « Une vidéo anatomique », Irit Batsry : traces d'un passage / Traces of a Passage (Hérimoncourt : Centre International de Création Vidéo Montbéliard Belfort, 1993), p. 29.

(4) Irit Batsry : traces d'un passage / Traces of a Passage(Hérimoncourt : Centre International de Création Vidéo Montbéliard Belfort, 1993), p. 29.

(5) World Wide Video Festival, (référence du 17 octobre 2000) : http://www.wwvf.nl/18/programme/0batsry2.htm

(6) Voir communiqué de presse de These Are Not My Images (Neither There Nor Here) (2000).