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Frances Dyson, Et puis ce fut le présent

9 Evenings

Steve Paxton, Physical Things, 1966
9 Evenings : une esthétique en émergence

L’événement 9 Evenings: Theatre and Engineering commence à prendre forme lors d’une série de rencontres pour planifier « le festival de Stockholm », ainsi nommé à l’époque. Même si le projet échoue, Billy Klüver et Robert Rauschenberg décident malgré tout d’aller de l’avant. Recourant à plusieurs propositions de projets d’artistes soumises pour le festival, ils organisent la série 9 Evenings, qui se tient au 69th Regiment Armory de New York, du 13 au 23 octobre 1966.

Les propositions en question témoignent des courants de pensée qui circulent dans le domaine de l’art et de la technologie à cette époque. (1) On y constate que les artistes s’intéressent à des considérations qui représenteront plus tard les quatre principaux courants des nouvelles technologies, soit la connexion sans fil, l’interactivité, la représentation/visualisation du corps, et la création d’environnements immersifs ou atmosphériques. Ces quatre éléments constituent les fondements esthétiques, conceptuels et techniques de la plupart des œuvres conçues à l’époque dans le domaine de l’art et de la technologie.

Marga Bijvoet qualifie 9 Evenings de « point de repère dans l’histoire du théâtre-performance-art multimédia », rapportant que « la préparation de l’événement avait nécessité plus de 859 heures de travail d’ingénierie, pour un coût total de 100, 000 $ et un public de 10, 000 personnes. » (2) Les dix performances présentées incluaient : Physical Things de Steve Paxton, Grass Field de Alex Hay, Open Score de Robert Rauschenberg, Solo de Deborah Hay, Bandoneon! (a combine) de David Tudor, Carriage Discreteness d’Yvonne Rainer, Variations VII de John Cage, Vehicle de Lucinda Child, Kisses Sweeter than Wine de Öyvind Fahlström, Two Holes of Water-3 de Robert Whitman.

Autant dans les propositions que dans les performances elles-mêmes, on remarque une circulation de concepts cruciaux tels que fluidité, spontanéité, vivacité, transparence, immersion et intimité entre l’artiste et le public. Et à cet égard, le son s’avère un médium privilégié.

Outre l’utilisation novatrice du son lors de 9 Evenings, on remarque également un déplacement d’intérêt vers l’art à caractère environnemental ou atmosphérique. La critique d’art Barbara Rose note que plusieurs artistes s’intéressent à la lévitation : « Il semble que l’homme, dans son imaginaire, ne cesse de vouloir défier la gravité » (3), alors que d’autres proposent l’utilisation de nuages ou de gaz. Tout en se présentant sous forme d’éléments concrets ou esthétiques, le phénomène éphémère — en vertu de l’immatérialité qu’il suggère — offre également une ressource pour l’élaboration de structures rhétoriques.

Après 9 Evenings

Si beaucoup de ces idées se manifestent lors de 9 Evenings, plusieurs projets échouent néanmoins à se concrétiser. Mais ces idées aident tout de même à structurer le processus de collaboration entre les artistes et les ingénieurs, ainsi que la vision qui l’anime — vision qui allait vite devenir la raison d’être d’Experiments in Art and Technology (E.A.T.).

Les projets d’artistes soumis à E.A.T. un an plus tard témoignent d’un intérêt soutenu pour la « téléprésence », l’interactivité et les environnements virtuels. Un ingénieur écrit par exemple : « Je m’intéresse à la possibilité de générer de la lumière grâce au son réel, et du son par le truchement de la lumière réelle, et aussi à l’interaction entre les deux dans un environnement sensible. » (4) Ailleurs, un artiste et designer industriel demande de l’aide pour créer un « dispositif électro-optique qui donnerait [au public] l’impression de voler au-dessus de l’image projetée d’un paysage abstrait. » (5) Un appel de projets lancé en vue d’une série de dix expositions à l’Automation House en 1969 suscite des propositions d’artistes (la plupart d’entre eux ayant participé à 9 Evenings, ils sont donc membres de E.A.T. depuis longtemps), qui poussent plus loin les notions d’immersion, d’interactivité, de transformation corporelle et d’incarnation de la technologie émergente lors de 9 Evenings.

Ainsi, la conception d’environnements proto-immersifs pour 9 Evenings (par le truchement d’une structure faite en tubes de plastique, comme dans Physical Things de Steve Paxton ou d’un dispositif en son surround), se concrétise dans le pavillon Pepsi.

Frances Dyson © 2006 FDL

(1) Projects for Stockholm Festival: 3rd list, 1er mars 1966, [2] p. Descriptions de projets. La fondation Daniel Langlois pour l’art, la science et la technologie, Collection de documents publiés par Experiments in Art and Technology (E.A.T.). EAT C1-6 / 2; 6.

(2) Bijvoet, Marga, Art as Inquiry: Toward New Collaboration Between Art, Science, and Technology, New York, Peter Lang Publishing, 1997, p. 31-33.

(3) Rose, Barbara, « Art as Experience : Environment, Process », in Pavilion, sous la direction de Billy Klüver, Julie Martin and Barbara Rose, New York, E. P. Dutton, 1972, p. 93.

(4) Sample of Artist’s Technical Proposals / Experiments in Art and Technology, mai 1967, [9] p. Descriptions de projets. La fondation Daniel Langlois pour l’art, la science et la technologie, Collection de documents publiés par Experiments in Art and Technology. EAT C3-4; 47.

(5) Ibid.