Veuillez patienter pendant que nous traitons votre requête
Veuillez patienter...

The Eighth Day: The Transgenic Art of Eduardo Kac

The Eighth Day: the Transgenic Art of Eduardo Kac, 2003
The eighth day : the transgenic art of Eduardo Kac. — Sous la direction de Sheilah Britton et Dan Collins. — Tempe : Institute for Studies in the Arts, The Katherine K. Herberger College of Fine Arts at Arizona State University, 2003. — 117 p. — ISBN 0972429107.

Eduardo Kac est un artiste d’origine brésilienne vivant aux États-Unis qui, depuis les années 1980, explore les enjeux éthiques soulevés par le jumelage des technologies de pointe avec la biologie génétique. En 2000, Kac a bénéficié du soutien financier de la fondation Daniel Langlois pour la réalisation de la deuxième phase du projet Genesis.

Cette publication accompagne le projet The Eighth Day réalisé par Kac en collaboration avec une équipe de scientifiques et exposé à l’Institute for Studies in the Arts, Herberger College of Arts de l’Arizona State University (Tempe, États-Unis) en 2001. The Eighth Day est un environnement sous verre où des espèces végétales et animales, greffées du gène GFP leur conférant une propriété luminescente, cohabitent avec une composante robotique. Ce robot contient lui-même des matières transgéniques qui agissent sur son mécanisme de fonctionnement et est muni de caméras miniatures simulant les points de vue d’éléments observés dans l’environnement pour un spectateur extérieur. Dérivée de débats théoriques suscités par ce projet et le travail d’Eduardo Kac en général, la publication offre une constellation d’approches permettant de mesurer les enjeux d’une œuvre au confluent de la recherche scientifique et de l’exposé éthique, qui ne fait cependant pas l’économie de la dimension esthétique propre au champ de l’art.

Dans leur introduction, Sheilah Britton et Dan Collins (directeurs de la publication et responsables du projet à l’Institute for Studies in the Arts) décrivent la genèse de The Eighth Day en insistant sur les liens qui se sont tissés entre les participants issus de la communauté artistique et scientifique, aux différents stades de sa réalisation.

Edward Lucie-Smith situe l’entreprise d’hybridation disciplinaire de Kac dans l’histoire de l’art où, à l’opposé d’un lieu commun généralement véhiculé sur leurs aspects irréconciliables, les questions esthétiques et les recherches scientifiques se sont souvent croisées de façon fertile. Steve Baker rapproche la réflexion de Jacques Derrida autour du point de vue de l’animal et les projets de Kac où ce point de vue est simulé par des dispositifs de visualisation. Baker estime que Derrida et Kac refusent tous deux de cantonner les termes « animal » et « humain » à une structure binaire qui en ferait des objets de discours exclusifs. Pour sa part, Carol Baker juge que le projet GFP Bunny (2000) de Kac (lapin greffé du gène GFP) remet en jeu la vie telle qu’isolée des interventions humaines. À l’instar de Steve Baker, Gunalan Nadarajan utilise des concepts de Derrida pour aborder l’œuvre GFK Bunny qui reconduit, selon lui, la figure de l’animal comme spectre culturel. Se référant également aux thèses exposées par Akira Mizuta Lippit, Nadarajan stipule que cette œuvre déplace l’animal d’une perspective objectiviste vers un lieu où son inscription dans les discours humanistes devient manifeste et problématique. N. Katherine Hayles commente certains aspects de The Eighth Day et des projets antérieurs de Kac, tels que Genesis (1998-2001) et GFP Bunny, pour souligner la façon dont ils révèlent les dimensions idéologiques latentes de paradigmes scientifiques (le code génétique entendu comme livre de la vie ainsi que la comparaison des systèmes d’encodage de l’information avec la structure de l’ADN). Arlindo Machado établit un parallèle entre la notion « d’Ars Vivendi », ou art vivant, développée par le philosophe Vilém Flusser, et le manifeste d’art transgénique de Kac, publié en 1998, où ce dernier définit la dimension esthétique et éthique de son projet. Machado affirme que les débats autour des questions de vie artificielle et d’organismes génétiquement modifiés ne sont pas l’apanage du champ scientifique et devraient donc s’exposer sur la place publique. Le champ de l’art (tel que l’occupe Kac) est, selon Machado, un lieu possible d’exercice de cette démocratie. Dan Collins fournit une description détaillée des aspects pragmatiques du projet The Eighth Day qui oscille entre la simulation d’un environnement d’observation scientifique et la matérialisation d’un espace producteur d’altérité. Enfin, les biologistes/généticiens Alan Rawls, Jeanne Wilson-Rawls et William A. Rawls définissent leurs pratiques et celle de Kac dans des champs culturels distincts qui peuvent cependant s’entrecroiser. Ainsi, ils comparent l’approche de Kac, où prévaut le relativisme, et le protocole scientifique, reposant sur la formulation d’une hypothèse vérifiable. Cet ordre de distinction les amène à discuter des écarts sémantiques entre des termes utilisés à la fois par les artistes et les scientifiques (tel que processus, ayant un sens différent dans l’un et dans l’autre champ culturel). Ils concluent que malgré leurs visées respectives, les champs de l’art et de la science partagent le projet de créer une structure dialogique entre le monde et le sujet, qu’exemplifie selon eux, le projet The Eighth Day.

Vincent Bonin © 2004 FDL