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Internet Art: The Online Clash of Culture and Commerce

Internet Art: the Online Clash of Culture and Commerce, 2003
Stallabrass, Julian. - Internet art: the online clash of culture and commerce. - London : Tate Publications, 2003. - 165 p. - Comprend un index. - Comprend une bibliographie. - ISBN 1854373455.

Dans son essai, Julian Stallabrass tente de cartographier le contexte socio-politique d’où émergent les projets artistiques conçus pour Internet et figurant désormais sous la rubrique Net.art. Les pratiques commentées par l’auteur apparaissent à mesure que le Web prend la forme hybride qu’on lui connaît aujourd’hui. Stallabrass affirme que la dissipation du potentiel utopique d’Internet et son évolution vers une sphère de plus en plus dominée par les échanges commerciaux rendent caduque l’idée même d’une histoire indépendante du Net.art ou de son autonomisation comme médium. Aussi Stallabrass accorde-t-il une attention égale aux enjeux culturels que pose Internet en phase avancée du capitalisme et aux pratiques artistiques.

Dans le premier chapitre, The structure of the Internet, Stallabrass décrit Internet à la manière d’une plate-forme évolutive. Il commente des projets qui, dès les débuts du Web, tentent de visualiser sa structure et de saisir le type d’information qui y transite (I/O/D., Web Stalker, 1997).

Le deuxième chapitre, The form of data, traite de la façon dont les artistes utilisent et organisent les données sur le Web. Stallabrass observe une première tendance dans les projets qui compilent, structurent et diffusent des ressources (souvent déjà accessibles en ligne) par le truchement de bases de données (Antoni Muntadas, The File Room, 1995). La deuxième tendance, surtout affirmée au début d’Internet, considère le code à titre de médium et en explore les modes d’affichage au-delà des interfaces commerciales (Vuc Cosic, Jodi).

Le troisième chapitre, Time as space, Space as art, critique les présupposés de l’aspect démocratique du Web. Stallabrass démontre que les artistes des premières années du Web ont sciemment mis en doute l’efficacité communicationnelle d’Internet, en adoptant notamment comme problématique la lenteur du téléchargement des fichiers (Brighid Lowe, Now Here, Nowhere, 1998) ou l’effritement du contenu en ligne (Thomson and Craighead, Pet pages, 1998). Bien que certains utopistes assimilent le Web à un vaste réseau où l’accès à l’information est décloisonné, Stallabrass indique (études statistiques à l’appui) qu’Internet est désormais dominé par une classe privilégiée, laissant en plan une partie de ses utilisateurs potentiels. Paradoxalement, Stallabrass observe que des îlots alternatifs (il cite les pratiques artistiques élaborées en Europe de l’Est) subsistent à cette forme d’hégémonie.

Le quatrième chapitre, Interactivity, relativise ce concept tel qu’il se présente dans les discours sur le Net.art. Stallabrass y commente des projets mettant véritablement de l’avant la dimension participative (Douglas Davies, The World’s First Collaborative Sentence, 1994).

Le cinquième chapitre, The rise of commerce, expose le changement qui s’est opéré peu à peu sur le Web à mesure que les multinationales y installaient des vitrines pour en faire une vaste aire de transactions commerciales. Selon Stallabrass, cette donne économique (compromise par la récente chute des indices boursiers des nouvelles technologies) a complètement bouleversé la structure d’Internet où l’accès à l’espace réseau (entre autres, par les noms de domaines) est monnayable. Les projets abordés ici s’approprient la rhétorique de ces vitrines commerciales en révélant les désirs qu’elles suscitent chez le consommateur (Tomoko Takahashi, Alexei Schulgin, Rachel Baker).

Le sixième chapitre, Politics and art, poursuit la réflexion entamée dans le chapitre précédent, en insistant sur les stratégies que les artistes mettent en œuvre pour assurer à leurs projets un véritable effet dans la sphère sociale (Heath Bunting, Mongrel, Rtmark et Etoy). Stallabrass s’attarde au cas de Etoy, un collectif d’artistes que la compagnie de vente en ligne Etoys a accusé d’usurpation d’identité , mais qui profite néanmoins du litige pour dénoncer la mainmise de telles compagnies sur le contenu du Web.

Le septième chapitre, Free from exchange, donne lieu à une réflexion sur le partage des logiciels et des plates-formes d’échanges en ligne. Stallabrass souligne le rôle qu’ont joué ces plates-formes (surtout Nettime) dans la constitution d’un discours sur le Net.art au moment où émergeaient les pratiques en ligne.

Dans le huitième chapitre, The art institutions, Stallabrass aborde la problématique de la diffusion et de l’exposition du Net.art dans un contexte institutionnel. À son avis, les musées et autres lieux d’art ont cherché bien souvent à figer ces pratiques selon leurs critères de conservation et d’exposition sans tenir compte du fait que le contexte où s’inscrit d’abord le Net.art est le Web lui-même. Il décrit les solutions (en général, décevantes) élaborées par les musées qui exposent l’art Web et indique ensuite les mises en garde que les artistes formulent au même moment pour éviter (et dans certains cas, constater) la réification de leurs pratiques (Natalie Bookchin, Shulgin, Blank et Jeron, Introduction to Net.art, 1994-1999).

Enfin, le dernier chapitre Art, intelligent machines and conversation, revient sur des problématiques abordées aux chapitres précédents telles que la nécessité de définir la visée des projets conçus pour Internet. Selon l’auteur, cette visée dépend du discours théorique qui accompagne les pratiques (à cet effet, il évoque la rhétorique d’un certain postmodernisme qui s’oppose à l’évangélisme technologique ambiant). Stallabrass conclut en ouvrant sa réflexion aux enjeux que poseront désormais les environnements intelligents sur Internet, qu’il voit comme une avenue pour favoriser la mise à jour des processus de génération et d’appréhension de l’information.

Vincent Bonin © 2004 FDL