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Yvonne Spielmann, La vidéo et l'ordinateur

L'esthétique de Steina et Woody Vasulka

L’art de l’intervention

Camera vidéo 1/2 (Portapak)
L’imagerie synthétisée, la manipulation d’appareils existants (les procédés de déconstruction équivalant ici aux procédés de construction) ainsi que la collaboration d’artistes, d’ingénieurs et de programmeurs pour concevoir des outils parallèles caractérisent la vidéo d’art d’avant-garde. Selon que l’avant-garde produit toujours un double (dans le présent cas, une intervention à la fois technologique et culturelle), le mouvement vidéo d’avant-garde a mis de l’avant et donné forme aux phénomènes qualifiés, des décennies plus tard, de « culture électronique » et de « nouveaux médias ». Rétrospectivement, Nam June Paik joue le rôle de pionnier : il est le premier à utiliser la caméra Portapak dans une perspective artistique (a), il est le premier à « exposer » avec succès le média électronique comme objet (par ses manipulations magnétiques et ses essais critiques sur la télévision). Gary Hill, pour sa part, aborde l’articulation du langage électronique en contextualisant et en comparant des langages visuels et verbaux. Dans le travail de Steina et Woody Vasulka, l’imagerie électronique se distingue essentiellement des concepts, culturellement dominants, d’« image » comme entité. Leurs « images » rendent visibles les capacités spécifiques de la vidéo qui manifestent des caractéristiques multidimensionnelles et omnidirectionnelles, incluant des formes où les images s’affichent à la manière d’objets. Les Vasulka radicalisent l’énoncé théorique en explorant directement les dimensions et le défilement de l’imagerie électronique, ainsi que son potentiel immersif. Ils amorcent cette exploration par la manipulation du signal électronique, avec son ambivalence audiovisuelle. Inutile de dire que leur approche de la vidéo transgresse le niveau superficiel de la présentation pour dériver vers des dimensions sculpturales. Les énoncés d’artistes qu’ils produisent sont un contre-exemple des théories qui stipulent que la vidéo manque de « profondeur spatiale ».

Expérimental non seulement par l’utilisation inusitée d’outils fabriqués manuellement (et disposant ainsi d’un pendant conceptuel dans les méthodes des films structuralistes/matérialistes des années 1960 et 1970), le travail des Vasulka constitue une avancée par la pensée intermédiatique qui sous-tend la poursuite de ces expériences complexes. En reliant des appareils et en épuisant les possibilités de toute technologie disponible, les Vasulka perçoivent les défis comme des moyens d’identifier les éléments qui articulent la vidéo. Il faut mentionner que ce travail n’a aucun précédent car, au début des années 1970, le médium émergeait à peine et devait alors acquérir une légitimation médiatique sur le plan sémiotique-culturel, et éventuellement, une forme de spécificité. Dans sa phase d’émergence, la vidéo constituait un médium vide sur les plans technique et technologique que les Vasulka désiraient aborder en se distinguant des modèles filmiques et télévisuels.

Yvonne Spielmann © 2004 FDL