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Media Art Net: Survey of Media Art

Media Art Net: Survey of Media Art, 2004
Capture d'écran du site Web mediaartnet.org
Medien Kunst Netz: Medienkunst im Überblick = Media Art Net: Survey of Media Art. — [Vienne] : Springer, 2004. — 399 p. — Comprend un index. — Comprend une bibliographie. — ISBN 3211005706.

Media Art Net est un projet interdisciplinaire produit conjointement par le Goethe Institut et le Zentrum für Kunst und Medientechnologie Karlsruhe (ZKM) en Allemagne, sous la direction de Rudolph Frieling et Dieter Daniels. Son but est de mettre en valeur la spécificité des pratiques rattachées aux arts médiatiques sans négliger d’y inscrire le contexte plus général de l’art contemporain.

Avec des dossiers consacrés à des problématiques ciblées, la plate-forme Internet du projet présente, côte à côte, des ressources qui s’adressent aux chercheurs spécialisés et les outils didactiques de base pour initier les utilisateurs d’Internet non familiers avec les pratiques en art médiatique.

Des dossiers thématiques constituent l’une des voies vers des constellations de blocs de contenu et les textes plus denses de théoriciens et historiens de l’art. Ces blocs fournissent des données factuelles — sous forme de notices biographiques d’artistes et de fiches d’œuvres — comme complément d’information à la mention d’éléments historiques dans les textes. Des index donnent également accès à ces blocs selon une liste de noms d’artistes et d’organisations ou par des mots clefs liés aux textes dont ils constituent les sujets principaux. Inversement, tous les thèmes sont cartographiés sous la forme d’une liste de ces mots clefs, affichés dans la partie supérieure de chacune des pages. L’utilisateur peut donc se familiariser à loisir avec des pratiques en sélectionnant des mots clefs qui produisent une liste de leurs occurrences dans des blocs de contenu eux-mêmes associés à leurs dossiers respectifs. Il dispose également d’un moteur de recherche pour des requêtes plus circonscrites.

Comme ils le précisent dans leur introduction intitulée « Media Art Can Only be Conveyed by Multimedia », Rudolph Frieling et Dieter Daniels espèrent faire le pont entre la plate-forme interactive que constituent le site Web et une série de publications imprimées. Les deux auteurs jugent que le média imprimé seul ne constitue pas un moyen adéquat de présentation de l’art médiatique, mieux servi par Internet ou d’autres supports numériques. En retour, la présence simultanée du site Internet et de publications est justifiée ici par la maniabilité du livre, qui constitue encore l’instrument de lecture privilégié. Selon les responsables du projet, cette dialectique de la publication imprimée et du site Internet dépasse le lieu commun voulant que l’ouvrage imprimé dispose d’une plus grande légitimité scientifique que le contenu en ligne. Ces publications imprimées font par ailleurs interagir leur contenu avec des éléments qui composent le site Internet, grâce à une série d’icônes permettant d’accéder aux blocs de contenus (entre autres les blocs de contenus audiovisuels) et à d’autres ressources telles que des références bibliographiques. La publication imprimée faisant l’objet de cette recension inaugure ce nouveau mode d’interaction entre le livre et le site Internet, en reprenant les contributions de théoriciens disponibles en ligne dans le premier dossier thématique complété intitulé « Survey of Media Art 1 ». La constellation de blocs de contenu Web s’y rapportant (plusieurs centaines de notices biographiques, fiches d’œuvres, documents audiovisuels, etc.) offre une vue d’ensemble des pratiques en art médiatique (vidéo, art audio, art réseau, etc.) depuis le début du XXe siècle jusqu’à ce jour.

Les trois essais qui ouvrent cette anthologie tentent d’établir des balises historiques pour faire le pont entre les pratiques récentes en art médiatique et leurs antécédents dans les mouvements d’avant-garde du début du XXe siècle jusqu’aux années 1970. Dans « Media Art/Art Media: Forerunners of Media Art in the First Half of the Twentieth Century », Dieter Daniels constitue un survol des prémices de discours sur les médias et la technologie au sein des pratiques artistiques de la première portion du XXe siècle (Dziga Vertov, Walter Ruttmann et les futuristes). Daniels commente aussi les réflexions théoriques de penseurs tels que Bertolt Brecht ou Walter Benjamin, dont les vues utopiques sur les médias trouvent alors leurs zones d’ombre dans le fascisme des futuristes et la propagande communiste. Dans « Television-Art or Anti-Art?: Conflict and Cooperation Between the Avant-Garde and the Mass Media in the 1960s and the 1970s », Dieter Daniels commente les incidences socio-politiques d’une série de gestes iconoclastes perpétrés par des artistes de la fin des années 1950, qui prennent pour cible le téléviseur (Nam June Paik, Wolf Vostell, Tom Wesellmann Isidore Isou). Avec l’accessibilité des caméras Portapak, cette violation de l’objet lui-même permet aux artistes d’investir la sphère médiatique, alors difficilement accessible, et de formuler les bases de ce que l’on qualifiera, dans les années 1970, d’art vidéo. L’article de Golo Follmer, « Audio Art » tente de rapprocher les pratiques à la frontière de plusieurs disciplines artistiques dans lesquelles le son joue un rôle de premier plan et les recherches des avant-gardes musicales au XXe siècle (Éric Satie, John Cage, Nam June Paik, Karlheinz Stockhausen, etc.). Follmer met ici l’accent sur les aspects théoriques de ces démarches qui conçoivent la production du son dans un cadre élargi. Le recours à la transmission en temps réel et au hasard permet alors de dépasser les aspects contraignants de la partition et du support de l’enregistrement. Follmer évoque, entre autres, l’installation audio alors émergente, où l’espace de réception du son — en passant de la salle de concert à des lieux hétérogènes, souvent chargés eux-mêmes de sons — est reconfiguré. L’auteur établit un parallélisme entre l’importance du processus dans ces démarches et l’approche laboratoire préconisée par les représentants actuels de l’art audio. Dans « Reality-Mediality: Hybrid Processes Between Art and Life », Rudolph Frieling décrit le phénomène de décloisonnement disciplinaire à l’œuvre dans les pratiques artistiques performatives du milieu des années 1960 (l’actionnisme viennois, les happenings, John Cage, le situationnisme, le body art). Élaborant de nouveaux protocoles de production, où les limites entre l’espace du quotidien et le lieu de présentation de l’art sont brouillées, ces pratiques embrassent également la sphère médiatique qui devient alors l’un des sites de leur actualisation (la télédiffusion d’événements et les expériences de communication par satellite à titre d’exemples). L’auteur mentionne que les notions d’intermédia et de participation active du spectateur, élaborées alors, seront recyclées plus tard pour définir les aspects pragmatiques de l’expérience des œuvres interactives.

Suivant le volet consacré aux prémices des arts médiatiques, les six essais qui complètent l’anthologie se rattachent à des problématiques formelles et à des discours théoriques issus de plusieurs disciplines des sciences humaines qui définiront les enjeux formels et thématiques des pratiques contemporaines. Dans « Technological Construction of Space-Time: Aspects of Perception », Heike Helfert s’intéresse à la phénoménologie propre aux médiums des pratiques circonscrites dans les premiers textes de l’anthologie. Elle rend d’abord compte de l’essor du film abstrait, puis des essais de cinéma structuraliste où les caractéristiques du support et le vocabulaire formel du médium sont mis de l’avant pour construire un nouveau registre d’expériences sur la perception. Helfert commente alors les installations en circuit fermé et l’art vidéo des années 1970, dont les propositions sollicitent une expérience physique de l’environnement médiatique et recomposent ainsi le cadre de diffusion du contenu télévisuel. En conclusion, l’auteur se penche sur des dispositifs cognitifs conçus par des artistes pour dépasser la ségrégation sensorielle, et par là, suggérer des expériences complexes. Dans « Social Technologies, Construction, Subversion and the Utopia of Democratic Communication », Inke Arns souligne le paradoxe que rend manifeste l’utilisation des nouveaux médias dans le champ artistique, car la technologie est, selon une perspective sociale, d’abord conçue et utilisée pour accroître la mainmise de l’État et de l’industrie sur le sujet. Il s’agit, selon l’auteur, d’une condition indépassable avec laquelle les artistes doivent transiger. Arns fait état de stratégies de détournement d’une première génération d’artistes s’appropriant le contenu médiatique pour en critiquer les présupposés idéologiques et créer des espaces parallèles de diffusion télévisuelle entre autres (Dan Graham, Dara Birnbaum, Klaus Von Bruch, Marcel Odenbach, Raindance Corporation). Arns indique que ces stratégies se sont raffinées dans les années 1980 et 1990 avec le travail sur le terrain des activistes des médias, que l’essor d’Internet a par ailleurs facilité. (Paul Garrin, Rtmark, Heath Bunting). Enfin, Arns évoque les pratiques artistiques qui procèdent d’une relecture des données accumulées par des dispositifs conçus dans une perspective de contrôle social (surveillance, fichage) comme une manifestation récente de ces stratégies. Dans « Virtual Narrations: From the Crisis of Storytelling to New Narration as a Mental Potentiality », Soke Dinkla commente le phénomène d’éclatement du récit dans la littérature du XXe siècle et son influence sur d’autres disciplines artistiques. L’œuvre de James Joyce cristallise, selon elle, un dépassement radical de l’idéologie du naturalisme héritée du XIXe siècle. Avec cet exemple canonique, Dinkla tente d’établir une typologie de ces nouveaux modes de narration esquissés par les avant-gardes littéraires et explorés plus tard sur le mode pragmatique dans les pratiques en arts médiatiques. Elle mentionne, entre autres, les tentatives de cinéma interactif (le pavillon tchèque d’Expo 1967 à Montréal) et l’écriture en réseau, où le lecteur contribue directement à l’orchestration des unités narratives (Roy Ascott). Elle évoque également des approches que déploient les œuvres vidéo d’artistes interrogeant les règles de genres cinématographiques et télévisuels entre autres, pour les dépasser dans des formes hybrides (Grahame Weinbren, Stan Douglas, Eija-Liisa Athila). Dans « Immersion and Interaction: From Circular Frescoes to Interactive Image Spaces », Oliver Grau retrace l’histoire du concept d’immersion pour ensuite l’appliquer aux dispositifs récents de l’art médiatique. Grau décrit les tentatives, depuis la Renaissance, de créer une image encerclant le spectateur et les usages rhétoriques de tels dispositifs par divers régimes politiques et religieux jusqu’au XIXe siècle. Il commente ensuite l’émergence de technologies d’immersion dans les années 1980 et 1990, ainsi que l’utilisation qu’en font les artistes sur un mode expérimental pour proposer d’autres dispositifs d’appréhension de l’image (le théâtre interactif, la téléprésence, les protocoles de visualisation). Dans « Interaction, Participation, Networking: Art and Telecommunication », Inke Arns tente de formuler une généalogie de la notion d’interaction dans l’art. Il distingue ce concept au sein des pratiques d’intermédia des années 1960, de ses manifestations contemporaines, qui reposent en grande partie sur les aspects pragmatiques de la manipulation d’une interface informatique. Dans la foulée de cette recension, Arns évoque les projets en télématique où la relation bipolaire entre le spectateur et l’œuvre se greffe d’autres participants éloignés géographiquement. Il compare ensuite la complexité logistique des premières tentatives de projets artistiques en réseau avec la relative accessibilité des moyens technologiques (par la démocratisation des ordinateurs et Internet) dans la décennie suivante. Enfin, Arns s’intéresse aux dispositifs qui mettent en commun espaces virtuels et espaces réels. Dans « Form Follows Format: Tensions, Museums, Media Technology and Media Art », Rudolph Frieling rend compte de l’évolution de la diffusion des pratiques en art médiatique par les institutions (musée, galeries). Il s’intéresse entre autres aux moyens par lesquels, depuis les années 1960, les musées réinventent les modes de présentation des œuvres pour exposer des projets où les composants technologiques sont mis de l’avant. Frieling fait également état des stratégies de diffusion parallèle, élaborées par les artistes et des galeristes en l’absence d’un véritable marché des arts médiatiques. Il commente ensuite les motifs pour lesquels l’art vidéo dans les années 1970 et 1980, au même titre que les œuvres conçues pour Internet dans les années 1990, a souffert de cette lacune. L’explosion, cette même décennie, du phénomène des projections vidéo en musée ou en galerie est tributaire, selon Frieling, de la simplicité du dispositif de présentation (écran, DVD, projecteur LCD), désormais accessible à peu de frais et ne nécessitant pas de compétences particulières (par contraste avec une période où la présentation de la vidéo en galerie était synonyme d’extrême complexité technique). En conclusion, Frieling souligne l’importance de contrer le phénomène de l’hégémonie médiatique pour que la technologie ne soit pas la chasse gardée de l’industrie et reste donc accessible aux artistes.

Vincent Bonin © 2004 FDL

Ressource externe :

Medien Kunst Netz - Media Art Net :
http://www.mediaartnet.org/

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