Jim Campbell, Political Protest New York 2004 - 1, 2005.
121 x 180 cm. Duratrans, boitier lumineux.
Gracieuseté de Jim Campbell.
Jim Campbell, Political Protest New York 2004 - 2, 2005.
121 x 180 cm. Duratrans, boitier lumineux.
Gracieuseté de Jim Campbell.
Jim Campbell, Political Protest New York 2004 - 3, 2005.
121 x 180 cm. Duratrans, boitier lumineux.
Gracieuseté de Jim Campbell.
Jim Campbell, Political Protest New York 2004 - 3 (détail), 2005.
121 x 180 cm. Duratrans, boitier lumineux.
Gracieuseté de Jim Campbell.
La fondation Daniel Langlois soutient la création d'un corpus d'œuvres qui repousseront les possibilités actuelles de juxtaposition et de défilement d'images vidéographiques. Tout en donnant à voir les résultats de recherches technologiques de pointe, ce corpus ouvrira le champ à la création d'images dialectiques, où de multiples strates de temps et d'espace pourront coexister.
L'incrustation est une technique qui permet de faire se chevaucher des trames vidéo multiples sur un même plan. Depuis la fin des années 70, cette stratégie formelle est devenue un lieu commun de l'art vidéo. Dans son projet, Jim Campbell évitera la perte de signal qui affecte généralement la lisibilité des divers éléments juxtaposés dans un collage électronique. Il ne s'agit pas de la première expérience de l'artiste avec des techniques de superposition de sources vidéo.
Ruins of Light (1992) et
Simultaneous Perspectives (1997) présentée à la biennale du ICC de 1997
(1) faisaient déjà état de l'utilisation d'un tel procédé.
À l'instar de ces travaux antérieurs, les deux nouvelles installations de Campbell se coupleront à un logiciel de gestion des sources vidéo en temps réel. La première installation affichera des suites d'images vidéo saisies en direct sur les lieux d'exposition de l'œuvre. L'image feuilletée générée par ce procédé réunira une suite de micro-événements en principe dissociés les uns des autres. Des détails architecturaux voisineront avec les visiteurs de la galerie ou les passants saisis sur le vif, hors les murs. L'accumulation des couches d'images produira un point de vue impossible qui donnera l'impression d'une sorte de synthèse des caractéristiques du contexte à un moment précis dans le temps.
La deuxième œuvre reposera sur le même procédé en juxtaposant un ensemble de séquences vidéo sur un même plan. Or cette fois, les images proviendront d'une base de données et la séquence de leur défilement sera gérée par des paramètres précis. Chaque source vidéo disposera d'une série de descripteurs-mots-clefs, couplés à des paramètres temporels tels que l'heure de la journée ou le moment de l'année. Ce réglage de la juxtaposition et du défilement des images produira des résonances poétiques en évitant les occurrences multiples et l'aléatoire. Insistant de nouveau sur la nature dialectique de ce projet, Campbell projette de juxtaposer des pistes vidéo tournées dans des sites naturels et industriels (les montagnes du Sierra Nevada et la ville de Los Angeles). Dans les deux cas, les images seront saisies à différentes périodes de l'année et refléteront des conditions météorologiques variées.
Tout en travaillant à la mise au point de l’équipement HD nécessaire pour la diffusion de ces œuvres, Campbell a réalisé des images fixes envisagées au début comme des études pour les installations vidéographiques à venir. À cette étape de sa recherche, il cherche la juste dimension de l’image, complexe parce que stratifiée, qui s’avère cruciale dans l’acte de perception, et les études lui ont permis de déterminer les justes proportions. En effet, la surimpression utilisée comme méthode de composition tend à abstraire l’image, si bien qu’il est nécessaire de l’approcher pour voir et interpréter la myriade de détails et de fragments qui la compose, avant de finalement la « comprendre » dans sa totalité et lui donner sens. Autrement dit, selon l’artiste, cette stratégie lui permet de retirer à l’image un sens prédéterminé, laissant aux spectateurs le soin d’imaginer leur propre narration. Même si elles semblent ouvrir une nouvelle voie dans sa pratique, ces études s’inscrivent dans le droit fil des préoccupations de l’artiste portant sur le seuil limite de perception et de ses effets sur la mémoire et l’imagination.
D’emblée, la référence picturale s’impose – appuyée par l’utilisation de caissons lumineux comme mode de présentation – et particulièrement en direction du futurisme. On sait que les futuristes privilégiaient la surimpression dans l’élaboration de leurs peintures plutôt que le collage prisé par les cubistes. De même dans les nouvelles œuvres de Campbell, il n’est pas question d’isoler et de juxtaposer des objets, mais bien de les fondre les uns dans les autres en plusieurs couches. Autant dans la peinture futuriste que dans les nouvelles œuvres de Campbell, on trouve conflit et discordance entre les couleurs, des « lignes de force », l’interpénétration de différents plans et une simultanéité de points de vue. Un autre lien avec le futurisme se trouve dans le titre même des œuvres :
Political Protest New York 2004 (2005) (toutes les photos utilisées dans la composition des œuvres ont été prises lors d’une manifestation à New York). La référence au politique est littérale – comme dans
Interventionist Demonstration (1914) de Carlo Carrà – et témoigne d’un souci pour les enjeux sociaux de l’époque sans adhérer, bien sûr, à l’idéologie défendue par les futuristes. Finalement, ce qui permet un tel rapprochement, c’est le désir commun d’attirer l’attention du spectateur pour le plonger dans une expérience dynamique, faite de flux et d’instabilité, qui s’adresse à la perception et à la mémoire.