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Art, Lies and Videotapes: Exposing Performance

Art, Lies and Videotape: Exposing Performance
Art, Lies and Videotapes: Exposing Performance. — Sous la direction de Adrian George. — London : Tate Publications, 2003. — 99 p. — ISBN 1854375253. 

Catalogue publié à l'occasion de l'exposition Art, Lies and Videotapes: Exposing Performance, Tate Gallery Liverpool, Liverpool (Angleterre, Royaume-Uni), 15 novembre 2003-25 janvier 2004. — Commissaire : Adrian George. 

Art, Lies and Videotape: Exposing Performance est le catalogue accompagnant l’exposition éponyme organisée et présentée par le Tate Liverpool, Royaume-Uni, du 15 novembre 2003 au 25 janvier 2004. Sauf pour la préface signée par le conservateur Adrian George, le catalogue est divisé en sections qui correspondent à celles de l’exposition : Lost Histories, Image as Icon, Fact or Fiction, The Unconscious Performance, Me and My Camera (person) et The Artist as Director. Déjà, les titres de chapitres renforcent l’impression évoquée par le titre du catalogue et de l’exposition, à savoir qu’ici on montre et on commente des images aussi évanescentes que l’histoire des événements qu’elles sont censées relater ou représenter – danse, théâtre, happening, action, performance – et que ces images sont donc loin d’être fiables. Du document, de l’image-trace à l’icône, de l’image de fiction à la vérité d’un événement en passant par le style propre aux différents photographes de performance, toutes les astuces sont possibles.

Roselee Goldberg couvre la première section consacrée aux histoires perdues de la performance. Dans Hidden from History: Performance Art and the Imagination elle s’interroge sur les exigences de faire l’histoire de la performance, cette pratique artistique caractérisée par le mixage des médias et l’effacement des frontières disciplinaires, par son caractère événementiel et temporel ainsi que par l’importance qu’y tiennent les spectateurs ou la question de l’espace public. Comment, se demande-t-elle, le conservateur peut-il préserver une telle œuvre et trouver une manière de l’exposer en tant qu’indicateur significatif des esthétiques et des polémiques particulières à une période donnée? Voilà l’épineuse question soulevée par les documents, la documentation, qui présentent en même temps leur statut de traces valables et leur insuffisance documentaire pour rendre compte de ce genre de pratiques. Goldberg en conclut que l’art de la performance exige une approche contextuelle de l’histoire.

Dans Image as Icon, Tracey Warr propose quatre approches différentes dans la photographie de performance : le discours du document, l’icône, le simulacre et l’action vivante. Dans toutes ces approches, c’est la « vérité » qui est en jeu, signale-t-elle. Cette section de l’exposition présente notamment les images célèbres de Jackson Pollock photographié en action par Hans Namuth, celle de Marcel Duchamp en Rrose Sélavy de Man Ray, de même que les images qui nous permettent aujourd’hui de connaître les performances de Gina Pane ou de Chris Burden. Dans chacune des œuvres, l’auteur retrace l’une de ces catégories. La photographie de performance comme document assure l’authenticité et tient lieu de preuve; la photographie de performance comme icône présente, quant à elle, la manifestation de ce qui est inconnaissable et elle permet la rencontre de cette manifestation dans un état de crédulité, l’icône invitant la croyance. La photographie de performance comme simulacre se caractérise par les photographies manipulées, le performatif et la représentation. Enfin, la quatrième approche pose la contradiction entre l’action vivante – primaire, cathartique, ontologique – et la tradition théâtrale et celle des beaux-arts. À propos des œuvres de Chris Burden, Warr indique qu’elles nous font voir le vu et le non vu dans les documents photographiques et notre perpétuel espoir – et notre échec – de trouver vérité et révélation en eux.

Dans Fact or Fiction, Jean-Paul Martinon aborde cette frontière mince, ressource infinie pour les artistes, entre le réel et le fictif. Cette section présente des photographies de personnes se mutilant, se castrant ou prélevant du sang de leur corps, toutes choses dont témoignent, encore une fois, des photographies. L’auteur souligne bien l’incertitude quant à savoir si les événements montrés sont vraiment des faits et cette indécision provient de deux facteurs nous dit-il : d’une part, l’exposition Art, Lies and Videotape présente sciemment côte à côte des images de faits réels et fictifs et, d’autre part, les archives de ces performances ne précisent bien souvent pas les faits, mais alimentent plutôt les rumeurs, les demi-vérités et les polémiques. Il donne pour exemple la fameuse image du saut dans le vide de Yves Klein dont on ne connaît même pas la date de l’exécution, et il s’agit bien entendu d’un montage photographique. C’est encore le document, la trace qui fait ici problème.

Dans la section intitulée The Unconscious Performance, Aaron Williamson se penche sur l’importance du public de performance, celui-ci étant rarement passif, le plus souvent participant d’une façon ou d’une autre, volontairement ou involontairement. L’auteur porte son attention sur l’une des stratégies des artistes qui consiste à engager le spectateur surpris dans la performance, ou même de faire de sa réponse et de sa réaction le sujet de la performance. L’auteur analyse les composantes d’un voyeurisme public qui serait propre à la performance. C’est l’œuvre célèbre de Dan Graham, Present Continuous Past(s) (1974) qui résume le mieux toute la complexité de ce rapport de la performance à son public par des renvois complexes entre le temps différé (time delay) de l’image vidéo de l’artiste et du public qui se voient avec quelques secondes de retard, témoin de soi-même, effet aussi rehaussé par un mur de miroir redoublant la scène (la salle, l’artiste et le public). Cette œuvre crée une structure temporelle labyrinthique, un espace de réflexion, une présence augmentée.

The Delicate Art of Documenting Performance, de Alice Maude-Roxby, est probablement l’une des meilleures contributions de ce catalogue. En effet, ne s’est-on jamais interrogé sur ces nombreux photographes dont une part importante du travail est de documenter des performances ou de travailler avec des performers? L’un des plus connus étant Peter Moore qui a photographié tout ce qui bougeait sur la scène de l’avant-garde new-yorkaise des années 1960 jusqu’à la fin des années 1980. L’exposition faisait voir aussi des images de plusieurs de ces photographes. Le texte du catalogue, lui, est entre autres basé sur des entrevues avec plusieurs de ces photographes comme Lisa Kahane, photographe d’événement Fluxus, Ute Klophaus et ses travaux photographiques avec Joseph Beuys, Françoise Masson avec Gina Pane, Babette Mangolte elle aussi à New York dans les années 1960 photographiant, tout comme Peter Moore, les Yvonne Rainer ou Trisha Brown, ou encore le cinéaste Anthony McCall photographiant la célèbre performance de Carolee Schneeman, Interior Scroll (1975). L’auteur fait ressortir les particularités de chacun des photographes dans leurs intentions ou dans les méthodes. Maude-Roxby montre comment, à partir des antécédents du photographe, les ressources de la photographie documentaire et celles de la photographie de publicité peuvent parfois être utilisées, tout comme certaines techniques de chambre noire. Cela est sans doute le meilleur antidote à la crédulité devant la « vérité » du document photographique, quand celui-ci devient la construction d’un artiste, le photographe.

Finalement, dans The Artist as Director, Andrew Quick couvre cette partie de l’exposition faisant voir des œuvres – et des films – dans lesquelles l’influence du cinéma et de la télévision, du spectacle et du divertissement, se fait sentir dans la fabrication de l’œuvre. On pense ici notamment aux mannequins avec projections vidéo des années 1990 de Tony Oursler; aux œuvres de Robert Longo et à son film Johnny Mnemonic (1995); ou encore aux Self Portrait as Center of the Universe (2001) de Ken Feingold.

Jean Gagnon © 2005 FDL