Veuillez patienter pendant que nous traitons votre requête
Veuillez patienter...

Global Groove 2004

Global Groove 2004
Nam June Paik: Videa 'n' Videology 1959-1973
Global Groove 2004. — Berlin : Deutsche Guggenheim Berlin, 2004. — N. p. — Comprend une réimpression de Videa 'n' videology : Nam June Paik : 1959-1973. — Sous la direction de Judson Rosebush. — Syracuse : Everson Museum of Art, 1974. — 88 p. 

Catalogue publié à l'occasion de l'exposition Global Groove 2004, Solomon R. Guggenheim Museum, New York, N. Y., États-Unis, 17 avril-9 juillet 2004. — Commissaires : John G. Hanhardt et Caitlin Jones.

Cette exposition présente une nouvelle œuvre de Nam June Paik intitulée Global Groove 2004, installation vidéo dont le contenu dérive, entre autres, de la monobande Global Groove  (1) produite en 1973 par les studios de Channel Thirteen (New York, États-Unis). L’œuvre initiale constitue une synthèse des recherches sur l’image électronique menées par Paik depuis le milieu des années 1960. L’artiste y déploie un environnement visuel faisant se chevaucher divers matériaux hétérogènes sur un même support : segments d’entrevues réalisées avec des artistes qu’il côtoie alors, extraits de concerts rock, ainsi que fragments d’émissions télévisuelles. Le contenu de ce montage est modulé pour produire divers effets (grâce à des outils de traitement du signal vidéo inventés par l’artiste). Au-delà d’une exploration formelle, l’œuvre tente de faire le pont entre la culture populaire et le milieu de l’avant-garde new-yorkaise des années 1970, tout en commentant l’omniprésence des médias dans la société d’alors. Global Groove 2004 articule les matériaux de 1973 par le truchement d’une matrice de moniteurs, à laquelle s’ajoutent d’autres éléments glanés dans son œuvre vidéographique (telle l’installation One Candle Projection de 1988).

Portant le titre de l’œuvre récente, la publication fait se côtoyer (sous une même couverture) une anthologie de textes rattachés à la présentation de l’œuvre au Guggenheim et le fac-similé du catalogue de l’exposition Videa 'n' videology: Nam June Paik: 1959-1973 présentée au Everson Museum of Art, Syracuse, New York, en 1974.

Par ce choix éditorial, les commissaires Caitlin Jones et John Hanhardt mettent en parallèle deux modes de documentation d’une pratique artistique telle qu’elle se déploie à travers plusieurs décennies. Tandis que le premier document produit un bilan historique de cette pratique considérée comme pionnière, le catalogue de Videa ‘n’ videology fait état de ce qui constituait alors sa nouveauté. Les contributeurs du versant contemporain de la publication soulignent le rôle joué par cette monobande de 1973 dans la réflexion théorique et la pratique artistique de Paik.

Dans Paik for TV, John G. Hanhardt paraphrase les propos de Paik, pour qui Global Groove constitue l’avant-goût des moyens de communication sophistiqués d’aujourd’hui. Hanhardt rapporte que dans les années 1960, l’accès aux moyens de production télévisuels semble anticiper pour Paik une forme de décloisonnement du monde de l’art. Sur le mode d’un parcours biographique, Hanhardt analyse quelques vidéogrammes de Paik mais évoque également ses performances télématiques. Par ailleurs, l’auteur souligne l’importance de la collaboration chez Paik, qui, depuis les débuts de sa pratique, s’entoure de collègues dans plusieurs disciplines pour mettre à jour ses préoccupations esthétiques. Enfin, Hanhardt établit un parallèle entre des artistes de la relève utilisant, par exemple, Internet comme outil de communication, et Nam June Paik créant un environnement médiatique global grâce à la vidéo.

Dans Escape from Videoland, Caitlin Jones commente le manifeste de Nam June Paik, Global Groove and the Video Common Market, écrit en 1971, où ce dernier expose son projet Videoland : plate-forme d’échange donnant accès à la vidéo sans l’entrave des diffuseurs télévisuels. Jones postule que la monobande Global Groove constitue, par sa forme éclatée, une sorte de prolongement visuel du manifeste. Selon Jones, les propos visionnaires de Paik exposés dans Vidéoland sont avant-coureurs des pratiques contemporaines basées sur la circulation libre du code informatique (open source) et la gratuité du contenu en ligne. Cependant, elle nuance les vues utopiques partagées par Paik et les représentants de cette nouvelle génération en évoquant les contraintes toujours plus grandes posées aux artistes par les lois régissant la propriété intellectuelle. Dans Global Groove Shot Analysis, Anja Osswald propose un découpage détaillé de la monobande de 1973. Sa grille comporte une identification de chaque séquence, le décompte de la durée avec différents indicateurs temporels, l’énumération des moments saillants, les types d’effets produits (et de filtres employés pour traiter l’image vidéo), les extraits musicaux diffusés, les textes lus, les intertitres, ainsi que la durée des « plans ».

La réimpression de Videa ‘n’ videology, qui accompagne le catalogue de l’exposition au Guggenheim, rassemble des reproductions de textes par Paik et des articles sur son travail initialement publiés dans divers périodiques, ainsi que des cartons d’invitation, programmes, schémas techniques, etc. Cette anthologie de fragments rend compte du moment d’émergence d’un discours sur la télévision et la vidéo dans l’œuvre de Paik entre 1962 et 1973. Les documents et images sont présentés sans ordre apparent, brouillant ainsi un mode de lecture linéaire ou chronologique (et émulant les méthodes de montage hétérogènes employées par Paik dans sa production vidéographique). Par ailleurs, la provenance des fragments est réinscrite grâce à des notices de Paik, informant le lecteur des circonstances de l’écriture du texte ou des données sur sa publication initiale dans un périodique, catalogue d’exposition, programme, etc.

La publication donne accès à certains essais de l’artiste, couvrant la période allant des expériences néo-dadas et Fluxus jusqu’aux manipulations sophistiquées de l’imagerie électronique menées au début des années 1970.

Dans Norbert Wiener and Marshall McLuhan de 1967, Paik fait état des éléments qui rapprochent ces deux penseurs des médias, tout en soulignant certaines de leurs divergences théoriques. Il propose ensuite une liste de concepts pour rapprocher art et cybernétique sur le terrain de la philosophie. Dans Expanded Education for the Paperless Society de 1968, Paik fait l’éloge de la télévision et de la vidéo comme outil pédagogique, tout en critiquant les institutions d’éducation en place, telle l’Université, qui, selon lui, ne s’inscrivent pas dans la nouvelle sphère médiatique. La publication comprend également des réimpressions de textes par des collaborateurs comme Douglas Davis et Jud Yalkut, sur la pratique de Paik à cette époque.

Vincent Bonin © 2004 FDL

(1) Paik produit souvent de nouvelles œuvres avec un contenu préexistant. Bien qu’il s’agisse d’une réactualisation du contenu de la monobande de 1973, « Global Grove 2004 » est considérée par son auteur comme une œuvre indépendante. La monobande Global Groove de 1973 est disponible pour visionnage au CR+D.