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Viva Paci

Ce qui reste des images du futur

Introduction

Paul Garrin, White Devil, 1992-1993
Paul Garrin, White Devil, 1992-1993
Doug Aberle, Fluffy, 1996
Doug Aberle, Fluffy, 1996
Laura Di Biagio, Race Timed Out, 1990
Laura Di Biagio, Race Timed Out, 1990
The Adventure of Chromie, 1990
The Adventure of Chromie, 1990
[Viva Paci, Ce qui reste des images du futur, dossiers de la revue Intermédialités, nº 1, 2005; publication conjointe avec la fondation Daniel Langois pour l'art, la science et la technologie.]

Les réflexions que l’on trouvera dans ces pages sont le fruit d’un court voyage dans le temps et, plus précisément, dans le futur, dans le futur du passé. Elles supposent un certain goût des archives.

Durant ma résidence de recherche au Centre de recherche et de documentation (CR+D) de la fondation Daniel Langlois pour l’art, la science et la technologie en 2004, j’ai exploré la collection documentaire Images du Futur. Au titre fort prometteur, cette collection (et les ramifications que ma recherche a suscitées) retrace plus ou moins explicitement, plus ou moins consciemment, les aventures d’une idée, celle du futur.

Exposition 

Images du Futur, c'était le nom d’une exposition internationale « d’art, nouvelles technologies et communication », selon la formule consacrée des catalogues, qui s’est déroulée à Montréal entre 1986 et 1996. L’exposition, qui a accueilli plus d’un million de visiteurs, présentait des centaines d’artistes d’une vingtaine de pays. Elle s’inscrivait dans un engouement caractéristique des années 1980 pour un certain type de mise en scène du futur (à visiter aussi « Des idées du futur »).

Ce que je suggère de retenir d’entrée de jeu, c’est qu’en pleine ère de développement technologique, dans les années qui ont accompagné l’explosion de la vidéo et la diffusion des « nouvelles technologies », Images du Futur reflétait un champ de nouveautés et une curiosité populaire qui étaient plus solidement ancrés, en vérité, dans le présent technologique des années 1980 que dans un hypothétique futur (ce qui marque une importante nouveauté dans la représentation du futur à ce moment-là). Œuvres d’artistes, dispositifs visionnaires, propositions d’ordre commercial et animations numériques étaient tous conviés, sans discrimination institutionnelle, à Images du Futur (à visiter aussi « Exposer »).

Archives 

Si un phénomène récent semble parfois moins bien documenté qu’un événement ancien, c’est que toutes les données ne sont pas encore passées par la mémoire ordonnatrice et clarificatrice des archives. Aussi les différents parcours que je propose dans ce site ont-ils été élaborés à partir de la documentation sur les artefacts exposés à Images du Futur dans la collection documentaire qui en conserve les traces, tout en prenant en considération également un ensemble de réflexions et de discours qui, durant les années 1980 et 1990, entre théorie et chronique factuelle, prennent en compte les nouvelles voies à la mode des arts et de la communication. Cette collection documentaire (d’où proviennent les images que l’on trouvera dans ce site) contient les matériaux accumulés par la direction de l’exposition durant ses dix ans d’existence et les quelques années de préparation d’abord et de post mortem ensuite : environ 400 vidéogrammes, 180 périodiques, 620 monographies, des projets d’artistes et de bricoleurs, des lettres, des portfolios, etc. J’ai voulu utiliser cette masse d’informations extrêmement disparates pour tisser des liens, dégager des sens, (re)construire des discours qui traversaient la collection et qui, surtout, avaient jadis traversé l’exposition Image du Futur.

Discours

Tisser des liens, suivre des renvois, imaginer des contiguïtés et découper des discontinuités : ainsi, j’ai essayé de proposer, dans ce site, quelques parcours à partir de l’image du futur construite par l’exposition. J’ai remarqué d’abord un type de discours qui sert à accompagner la diffusion de l’exposition auprès du public, discours qui se retrouve dans les catalogues et dans le matériel publicitaire et duquel se dégage un message vendeur : « ...en achetant le billet de cette exposition vous aurez le privilège de voir et toucher, en primeur, votre futur technologique et ludique ».

J’ai discerné, par la suite, un autre type de discours dans les matériaux primaires et secondaires sur les œuvres (portfolio de l’artiste, correspondance entre l’artiste et l’exposition pour décrire l’œuvre proposée, « curriculum vitae » des œuvres, etc.). Ce discours tendait généralement à valoriser le côté novelty d’objet amusant ou le dispositif expérimental de chaque œuvre.

Ces deux niveaux de discours, dont j’ai construit certaines trajectoires, baignaient dans le milieu fertile des discours sur les nouveaux médias qui commençaient à envahir les sciences humaines, en prenant la place de l’histoire et de la philosophie de la technique, et des auteurs comme Couchot et Manovich (1) faisaient désormais autorité.

(VIII) pars pro toto

C’est à la lumière de tout ceci qu’Images du Futur peut être considérée à juste titre comme tout à fait exemplaire d’une période riche d’expérimentations (les nouvelles technologies), de chevauchements entre institutions (issues de l’univers de la science, de la technologie, de l’industrie, des communications et de l’art), que sont les dernières décennies du XXe siècle.

Dans chacune des sections de ce site, j’ai isolé certains traits fondamentaux d’Images du Futur et des œuvres exposées pour les mettre en relation avec d’autres manifestations et tendances de l’époque. Il s’agit de thèmes qui traversent l’exposition et la débordent, des axes de réflexion et de recherche qui permettent d’observer les premiers temps de notre modernité.

En filigrane

En filigrane de mon travail, un constat : les périodes qui précèdent l’institutionnalisation des pratiques médiatiques sont similaires… En particulier la « révolution du numérique » (un flou discursif sur cette expression rend nécessaires les guillemets, d’autant plus que je ne compte pas dégager et résoudre la question dans les prochaines pages) me semble faire écho à un autre moment des révolutions médiatiques, d’un siècle plus ancien, celui de l’avènement du cinématographe. Au-delà des différences historiques et technologiques entre ces deux moments, les principales caractéristiques de cette ressemblance m’ont permis de pointer des aspects centraux de l’événement et de l’avènement que j’étudie ici (à visiter aussi « Installations-attractions » et « Résidus cinématographiques »).

Deux fins de siècle (XIXe et XXe), un nouveau régime de la vision qui s’instaure dans chacune, un nouveau mode de production d’images mouvantes, un changement dans les conditions de reproductibilité des images (par empreinte d’abord et par production de modèles ensuite) et des nouvelles conditions de réception pour le spectateur qui s’imposent.

La concrétisation du dispositif cinématographique et celle de la production industrielle de l’imagerie numérique font suite à des recherches d’ordre scientifique aussi bien que commercial. Et dans les deux cas, le dispositif cinématographique et l’imagerie numérique se développeront en grande partie dans les arts du spectacle.

Le cinématographe s’impose à la croisée de plusieurs institutions (la photographie, les arts de la scène, le spectacle d’attractions foraines, l’exposition techno-scientifique) et l’imagerie numérique aussi (ce qu’on verra tout particulièrement dans notre échantillon d’Images du Futur).

Un certain fétichisme de l’inventeur et/ou de l’invention et un goût notable pour la nouveauté, le prototype et le gadget opèrent dans les deux sphères. Cette comparaison a constitué l’arrière-plan hypothétique de mon étude d’Images du Futur, pour devenir finalement un constat, qui est présent en filigrane dans les axes de réflexion et de recherche que je propose dans ce site. (2) 

Remerciements

Puisqu’il n’y avait pas encore une mémoire historiographique et archivistique ordonnatrice, disponible pour jeter un peu de lumière sur cette période d’émergence de « nouvelles technologies » que je parcourais dans l’enthousiasme de la nouveauté, ce sont les discussions avec des collègues et copains de voyage exceptionnels qui m’ont surtout aidée : je remercie, alors, Vincent Bonin (CR+D, FDL), André Habib (Université de Montréal), Eric Legendre (CR+D, FDL) pour l’(es) attention(s)...

Je remercie, évidemment, la fondation Daniel Langlois pour l’art, la science et la technologie pour la généreuse hospitalité et les amis du Centre de recherche et de documentation pour le précieux soutien (en particulier Andréane Leclerc pour la présence rassurante et Ludovic Carpentier pour les vues).

Les commentaires d’André Gaudreault, Silvestra Mariniello et Éric Méchoulan ont été déterminants pour la réalisation finale de ce site.

Viva Paci © 2005 FDL

(1) Couchot, Edmond, « Synthèse et simulation : l'autre image », Hors cadre, n° 6 (mars 1988); Manovich, Lev, « What is digital cinema? », Telepolis (1996) :

(2) Quelques-unes des pistes de recherche explorées dans ce site, et d’autres, issues de la résidence de recherche de Viva Paci à la fondation ont fait l’objet de quelques publications : « Anticiper les mutations. Le cas d'Images du Futur (Montréal 1986-1996) », in Médiamorphoses, « D'un média l'autre », nº 16, à paraître en avril 2006. « Toccare immagini di futuro : confusioni istituzionali e futuri multisensoriali », in I Cinque sensi del cinema/The Five Senses of Cinema, Udine, Forum, 2005, p. 477-482. « Recherché : images d’avenir pour nouveaux spectateurs » in Comunicazioni Sociali, « Civiltà delle macchine. Il cinema italiano e le sue tecnologie », vol. XXVI, nº 1, janvier-avril 2004, p. 133-143. « I have seen the Future. Projection sur la ville », in Cahiers du GERSE, « Un monde merveilleux... Dispositifs, hétérotopies et représentations chez Disney », nº 6, automne 2004, p. 131-144.