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Viva Paci

Ce qui reste des images du futur

Images sans soleil et avec volume : le 3D (3ème partie)

Xavier Duval, Jérôme Estienne, Xanadu City, 1992 (video)
Xavier Duval, Jérôme Estienne, Xanadu City, 1992 (video)
John Berton, Rolf Herken, Mental Images, 1987 (video)
John Berton, Rolf Herken, Mental Images, 1987 (video)
Blue Sky, Funky Towel, 1996 (video)
Blue Sky, Funky Towel, 1996 (video)
Jerzy Kular, Krakken, 1996 (video)
Jerzy Kular, Krakken, 1996 (video)
Georges Le Piouffle, Nature morte, 1990 (video)
Sharon Calahan, Night Café, 1989 (video)
Maurice Benayoun, Quarxs, 1991 (video)
Mimer le cinéma et faire bouger la peinture

Dans les animations numériques 3D (celles qui sont figuratives, et plus particulièrement celles où un récit impose un ordre aux pixels du 3D), le traitement de l’espace répond à un paradoxe. Même s’il n’y a pas de caméra, ni d’objet à filmer ni de champ à éclairer, ce qu’on voit à l’image, c’est une suite harmonieuse de changements de focale qui affectent la profondeur de champ et sa netteté, et on assiste à des changements de point de vue sur l’objet. Mais, bien évidemment, les images 3D ne font que simuler le tout; ce sont là des règles, des conventions et des possibilités du domaine des images analogiques et cinématographiques. L’idée derrière cette simulation optique est probablement que le spectateur d’images en mouvement a désormais appris toutes ces conventions au cinéma et veut les retrouver dans l’univers du 3D.

Georges Le Piouffle, Nature morte, 1990 (video) Sharon Calahan, Night Café, 1989 (video) Maurice Benayoun, Quarxs, 1991 (video) Emmanuel Carlier, Temps Morts, 1996

Cinéma simulé

Un des « mouvements de caméra » le plus souvent figuré dans un récit en images 3D est le travelling (et le zoom en particulier).

Par exemple, une image nous montre une maison joliment décorée pour Noël, par un zoom-out la maison se révèle (dans un mouvement fluide et continu impossible à réaliser avec des prises de vues réelles), la décoration d’une boule d’arbre de Noël, le mouvement de caméra continue et l’arbre se retrouve dans un petit boisé à côté d’un refuge sous la neige qui tombe et qui se transforme, encore par le même mouvement continu de zoom-out, dans le contenu d’une boule à la Citizen Kane, etc., presque à l’infini...

Ces (faux) mouvements de caméra à travers la matière qui sont impossibles à réaliser au cinéma, d’un côté, en miment le langage, mais, d’un autre côté, semblent prendre une revanche en faisant ce que le cinéma ne peut pas faire. Les exemples sont fort nombreux. La compagnie française de production d’images de synthèse Fantôme, présente avec ses animations dans presque toutes les compétitions d’animation d’Images du Futur (catégorie « logos/générique TV » et parfois catégorie « publicité »), produit un véritable genre d’habillages des postes télé avec ces faux mouvements de caméra vers la fin des années 1980.

Les panoramiques sont aussi des « mouvements de caméra » fort utilisés dans le 3D.

Ci-contre, l’exemple d’une animation de John Berton et Rolf Herken, de la compagnie berlinoise Mental Image - fondée en 1987 -, peut bien rendre compte de cette tendance des images numériques à construire un espace complexe fait de champs et hors-champ et d’habiles passages de l’un à l’autre, comme dans un vrai espace cinématographique.

Genres empruntés

Les animations 3D se servent aussi de schémas narratifs que le cinéma a déjà développés dans certains genres cinématographiques – film noir, science-fiction, etc. Mais plus souvent qu’autrement, les figures et les décors dans lesquels on regarde évoluer les images de synthèse ne peuvent être montrés que grâce à une imagination libre des contraintes physiques, une imagination propre aux images numériques.

Ainsi, la comédie musicale peut subir quelques variations... regardez Funky Towel, Joe’s Apartment; et les récits de course-poursuite peuvent changer d’habitat... regardez Krakken, le monde sous-marin du futur. L’exemple de Xanadu City où l’on identifie et caractérise des personnages en différents cadres mis en évidence par des iris décorés et présentés par une voix off hérite à la fois des grandes sagas cinématographiques, de la série télévisuelle et du soap opera.

Tableaux animés

L’animation de synthèse se développe aussi dans des espaces de frayage entre images en mouvement et peinture. Dans certains cas, la recherche plastique qui soutient la création d’images tridimensionnelles est enrichie par une culture ou une mémoire picturale (visitez aussi « Des lignes et des pinceaux : le 2D »).

Dans le cas de Nature morte, la peinture se laisse habiter grâce au 3D... et vivre. Ainsi, dans Night Café, un coin de rue et une vitrine, certainement empruntés à l’imaginaire d’Edward Hopper, deviennent des espaces habitables à parcourir dans le sens de la profondeur, cette troisième dimension qui n’est que suggérée par la peinture. Ainsi, cet espace construit par le 3D peut aussi se peupler de créatures imprévues... L’épisode de la série Quarxs de Maurice Benayoun (une de premières séries réalisées en images de synthèse 3D haute définition), de son côté, fait une synthèse fort amusante de créatures bizarres et de tableaux... à voir.

Les 3 dimensions figées

Une image de synthèse 3D est toujours conçue et modélisée dans un cohérent tutto tondo de la figure. Mais évidemment ces images ne comportent pas « réellement » un relief, une troisième dimension.

Ce sont d’autres types de procédés (désormais classiques dans leur extravagance) dans la conception et dans la prise d’images qui sont capables de créer un relief, une troisième dimension, une profondeur tout à fait sensible et presque réelle à nos yeux.

Images du Futur a été un milieu attentif pour plusieurs de ces procédés et plusieurs œuvres qui exploitent cette profondeur sensible, surtout des hologrammes et des stéréoscopies (à visiter aussi « Installations-attractions », « Résidus cinématographiques » et « Anticipations »).

Pour voir du relief, il faut que nos deux yeux voient des images légèrement différentes. Notre cerveau est capable de recomposer un effet de relief à partir de ces deux informations qui lui arrivent simultanément. À partir d’un écran ou une d’une photo (surfaces, plates, bidimensionnelles), il faut donc envoyer des informations différentes à chaque œil, cela soit à l’aide d’une composante optique (un réseau lenticulaire) soit à l’aide de lunettes qui filtrent différemment chaque œil. Mais pour envoyer des informations différentes, il faut que celles-ci existent sur l’image. Pour cela, on mixe une image gauche et une image droite provenant de plusieurs points de vue.

L’installation vidéo Temps morts d’Emmanuel Carlier, présentée à Images du Futur en 1996, est un exemple de ce type de captation d’image à partir de multiples points de vue (à visiter aussi « Installations-attractions et résidus cinématographiques »). Quatre écrans disposés en cercle montrent une image qui a été captée par 100 caméras photographiques placées en cercle autour de l’objet à photographier (un corps en mouvement). Ce dispositif décompose le mouvement au moment de la prise de l’image. Ce sont des points de vue légèrement différents (les appareils étant disposés autour d’un axe servant de référence) qui se recomposent dans une seule image finale, qui contient aussi tous les courts intervalles de temps, fractions de secondes entre les enclenchements des différents appareils. Tout cela est recomposé au moment de l’impression de l’image : le spectateur peut donc admirer l’objet photographié qui s’offre sur une surface bidimensionnelle (un écran de projection), mais comme dans une sorte d’espace tridimensionnel, ayant alors l’impression de pouvoir tourner autour du corps photographié (à visiter aussi « Anticipations »).

La photographie lenticulaire utilisée par Amy Fisch et Terry Maxedon, artistes qui ont exposé une série de photos lenticulaires en 3D à Images du Futur en 1993, est une autre version de la mise en place des technologies stéréoscopiques (à visiter aussi « Anticipations »). Le procédé avec lequel le réseau lenticulaire permet de voir l’image en relief comporte une couche en plastique composée d’une série de lentilles rondes ou longitudinales posées sur une photographie permettant de voir un relief immédiat (sans l’aide d’un appareil) : les petites loupes renvoient à chaque œil des images différentes. Cette technique peut aussi créer des images avec des effets de mouvement (combinés ou non avec le relief). Puisque le résultat de cette technique est perceptible sans dispositif ajouté comme les lunettes, le procédé est relativement répandu.

Viva Paci © 2005 FDL