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Viva Paci

Ce qui reste des images du futur

Résidus cinématographiques

Emmanuel Carlier, Temps Morts, 1996
Taizo Matsumura, Meta-Ball, 1994 (video)
Taizo Matsumura, Meta-Ball, 1994 (video)
Taizo Matsumura, Motion in Motion, 1992 (video)
Taizo Matsumura, Motion in Motion, 1992 (video)
Gregory Tarkis Barsamian, Putti, 1991 (video)
Gregory Tarkis Barsamian, Putti, 1991 (video)
Résidus de cinématographe

Qu’en est-il du cinéma, cette institution qui nous a montré mille fois ce que le futur pourrait être, dans une expo comme Images du Futur ? De façon surprenante, on n’y trouve aucune trace de cinéma, sous sa forme institutionnelle, parmi ces images du futur... et même pas l’hurluberlu cinéma dynamique des parcs d’attractions (sur le versant de l’art technologique-visionnaire, c’est l’exposition Future Cinema. The Cinematic Imagery after Film qui a soutenu récemment (2002-2003), dans ses choix d’exposition accompagnés d’innombrables exemples, que le cinéma existera dans le futur et massivement, mais avec une raréfaction importante de la pellicule et du dispositif de base de la salle cinématographique). Si le cinéma n’était pas présent comme tel, il y avait néanmoins une Compétition internationale d’animation par ordinateur annexée à Images du Futur (à visiter aussi « Images sans soleil et avec volume : le 3D » et « Des lignes et des pinceaux : le 2D »). Mais ces animations numériques, même si elles étaient projetées dans une salle de cinéma (externe à l’espace de l’exposition), présentaient surtout des publicités, des génériques pour la télévision et des logos en 3D de compagnies de toutes sortes. Les spectateurs qui fréquentaient la Compétition internationale d’animation par ordinateur et qui n’étaient pas nécessairement les mêmes qu’à Images du Futur n’allaient pas tant « au cinéma » qu’à une démonstration des qualités et des possibilités actuelles et ouvertes sur le futur de l’image numérique.

Tout de même, en poussant un peu l’observation et en la décentrant des formes institutionnelles, le cinéma est présent dans un grand nombre d’installations présentées à Images du futur, mais il est décomposé en quelques-unes de ses composantes élémentaires. Tout se passe comme si le cinéma ne pouvait transiter vers les images du futur qu’en suivant un développement différent de celui de l’institution, qu’en valorisant, par exemple, ses racines les plus enfouies et qui remontent, dans le cas de quelques dispositifs, jusqu’à la mémoire du pré-cinéma. Nombreux sont les dispositifs à Images du Futur qui jouent avec des concepts génétiques du cinéma, telles les illusions optiques : de la persistance rétinienne à l’effet phi, à la décomposition et à la recomposition du mouvement. Prenons l’exemple de l’œuvre Meta-Ball de Taizo Matsumura présentée à Images du Futur en 1994. Dans celle-ci, l’image composée de plusieurs cercles en couleur était créée dans la perception du spectateur grâce à la persistance rétinienne : un rayon laser de couleur, projeté au centre d’une structure métallique ronde et pivotante, se réfracte sur une surface en rotation, présentant ainsi une figure continue pour l’œil du spectateur. Le même auteur crée en 1992 Motion in Motion, où une caméra vidéo fixée sur un axe pivotant filme une série d’objets identiques (des cubes blancs inclinés) en séquence. La caméra vidéo est reliée à un moniteur sur lequel le spectateur peut observer un effet de mouvement fluide et continu. Ici comme le faisait le cinématographe à l’origine, le dispositif accomplit à la fois la tâche de capter l’image et de la transmettre, tout en créant du mouvement à partir d’images-objets fixes. Le filmable, le filmé et l’acte de filmer – avec son mécanisme – attirent ensemble l’attention du public.

Héritier du zootrope et explorateur de l’effet phi, Gregory Barsamian, avec son œuvre Putti présentée à Images du Futur en 1993, réalise des animations réelles en trois dimensions à l’aide de figurines en plâtre d’anges et d’hélicoptères. Ici, l’animation et la continuité étaient créées pour le spectateur grâce à l’effet phi. Des sculptures, en séquence (13 par secondes), tournaient au-dessus des spectateurs dans un environnement peu éclairé, mais traversé par une lumière stroboscopique qui visait à combler les vides entre une image et une autre, ce qui donnait l’impression d’un mouvement continu qui transformait les petits anges en hélicoptères. La sculpture devient ici, comme pour le cinéma, un art du temps, qui prend forme dans le rythme.

Un autre exemple. L’installation vidéo d’Emmanuel Carlier Temps morts, présentée à Images du Futur en 1996, mettait en place quatre écrans disposés en cercle montrant une image qui avait été captée par 100 caméras photographiques placées tout autour de l’objet (un corps en mouvement). À la manière du fusil chronophotographique d’Etienne Jules Marey à la fin du XIXe siècle, ce dispositif décompose le mouvement au moment de la prise de vue. À la différence toutefois du fusil photographique, le dispositif de Carlier ne décompose pas l’image du mouvement dans des instants successifs, mais le mouvement dans l’espace. Ce sont des points de vue légèrement différents (les appareils étant disposés autour d’un axe servant de référence), à de courts intervalles de temps, soit des fractions de secondes entre les enclenchements des différents appareils qui se recomposent dans une seule image finale. Tout cela était donc recomposé au moment de l’impression de l’image. Le spectateur pouvait ainsi admirer l’objet photographié qui s’offrait sur une surface bidimensionnelle (un écran de projection) mais qui était inséré dans un espace tridimensionnel. Ce qui donnait l’impression au spectateur de pouvoir tourner autour du corps photographié (à visiter aussi « Anticipations »).

Viva Paci © 2005 FDL