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Maurice Tuchman, A Report on the Art and Technology Program of the Los Angeles County Museum of Art

Maurice Tuchman, A Report on the Art and Technology Program of the Los Angeles County Museum of Art
Tuchman, Maurice. — A report on the art and technology program of the Los Angeles County Museum of Art, 1967-1971. — New York : Viking, 1971. — 387 p. — ISBN 670133728

En 1966, Maurice Tuchman, conservateur de l’art moderne du Los Angeles County Museum of Art (LACMA) (Los Angeles, Californie), met sur pied le programme Art and Technology (A&T). Ce projet périphérique aux activités du musée a principalement pour mandat de favoriser des échanges entre les artistes et le monde corporatif. Tuchman sélectionne des entreprises californiennes aptes à soutenir des projets, soit par une contribution financière au musée, soit en fournissant de l’expertise technique. La proposition de partenariat des entreprises avec le musée est officiellement lancée en 1967 auprès de 250 compagnies. Trente-sept d’entre elles répondent à la demande et 40 acceptent de s’engager formellement à contribuer au programme. Tuchman choisit alors des artistes américains et européens de toutes disciplines (arts visuels, musique, littérature, etc.) dont les propositions peuvent potentiellement susciter un dialogue fertile avec l’industrie. Comme suite à l’annonce officielle dans les médias, d’autres artistes non sollicités par Tuchman proposent des projets au LACMA.

Tuchman et sa collègue, la commissaire Jane Livingston, tentent alors de déterminer la meilleure association possible entre l’artiste et la compagnie. Ils supervisent les aspects logistiques de la résidence et, à une étape ultérieure, la réalisation matérielle du projet. Certaines œuvres produites dans le cadre du programme sont présentées au pavillon américain de l’Exposition universelle d’Osaka en 1970, puis au LACMA la même année.

Le rapport rassemble des documents et témoignages issus de la période d’activité du programme en vigueur entre 1966 et 1971. Faisant suite à l’exposition des œuvres au pavillon américain de l’Exposition universelle d’Osaka, cette publication en constitue également le catalogue.

Dans l’introduction du rapport, Maurice Tuchman adopte une approche pragmatique en évoquant principalement la genèse du programme Art and Technology (A&T) du LACMA. Il décrit d’abord les cinq catégories de contributions espérées par le musée (Patron Sponsor, Sponsor Corporation, Contributing Sponsor, Service Corporation, Benefactors) allant d’un don minimum de 7000 $ au programme à une résidence de 12 semaines en entreprise.

Bien qu’il considère la nature expérimentale de ce projet offrant ou non des débouchés pour les artistes et les entreprises, Tuchman estime que l’exposition constitue un but ultime, permettant de boucler la boucle en répondant surtout au mandat pédagogique du musée. Il décrit la méthodologie pour assurer la bonne marche des projets. Les clauses dans les contrats respectifs des entreprises et des artistes (documents annexés à son introduction) ont comme fonction d’éviter la subordination de l’un à l’autre. Ainsi, au cours du processus de création, les deux partis disposent de la flexibilité nécessaire pour refuser ou accepter le partenariat proposé par le musée. Un premier jumelage avec une compagnie participante et des visites ultérieures avec les commissaires permettent à l’artiste de bien définir ses besoins avant de collaborer. Par ailleurs, dans une analyse des retombées du programme, Tuchman évoque les réticences d’ordre idéologique de certains artistes à établir un échange de compétences avec l’industrie et décrit les conflits survenus entre les deux camps lors de certaines résidences. Il analyse alors les raisons sous-jacentes au succès ou à l’insuccès d’un projet : l’image projetée par l’artiste, les malentendus survenus lors de la collaboration, le décalage entre les ressources disponibles et des idées trop ambitieuses, etc. Enfin, Tuchman commente les aléas de l’organisation et de l’installation des œuvres au pavillon américain de l’Exposition universelle d’Osaka.

Dans « Thoughts on Art and Technology », Jane Livingston distingue les visées du programme et le projet utopique d’une fusion de l’art et de la technologie au sein des avant-gardes (constructivisme russe, futurisme italien, Bauhaus). Cet optimisme du début du 20e siècle n’est plus partagé par l’ensemble de la communauté artistique à l’époque contemporaine (les années 1960 et 1970). Ainsi, certains artistes jugent que l’aliénation des masses constitue l’une des principales retombées de la mainmise des corporations sur la technologie. En revanche, pour d’autres, l’entrée dans la nouvelle sphère médiatique s’inscrit comme une condition indépassable de la modernité. Selon Livingston, l’intérêt croissant manifesté à l’égard des théories systémiques (théories s’inspirant du behaviorisme et de la cybernétique) forme un moyen terme entre ces perspectives respectivement technophiles et technophobes. Sans condamner en bloc l’avancement technique, les artistes du « mouvement » de l’esthétique des systèmes cherchent à déterminer dans quelle mesure leur travail se mêle à un plus large ensemble de phénomènes (sociaux, politiques, scientifiques). Analysant alors les propositions du programme A&T, la commissaire identifie trois grandes approches à l’égard d’une collaboration des artistes avec le monde corporatif. Dans un premier cas de figure, l’artiste requiert l’aide d’entreprises pour fabriquer les composants de son œuvre en poursuivant un travail déjà amorcé avant cette collaboration (le projet de Richard Serra avec Kaiser Steel entre autres). D’autres cherchent également à produire un objet, mais expérimentent avec les matériaux inédits dans le monde de l’art, offerts par l’industrie (lasers, fluides luminescents, holographie, ordinateurs). Dans la troisième approche plus radicale, l’artiste fait l’économie d’une retombée matérielle directe de son projet et considère la collaboration elle-même, l’échange qu’elle implique, en tant que proposition artistique (John Chamberlain chez Rand Corporation, Robert Irwin et James Turrell à la Garrett Corporation, James Lee Byars au Hudson Institute).

La deuxième partie du rapport fait état des démarches telles qu’elles se découpent selon ces trois grandes approches. Elle rassemble ainsi l’ensemble des textes sur les projets transmis par les artistes au musée à une phase préliminaire ou rédigés après coup par les commissaires Maurice Tuchman et Jane Livingston. Les documents afférents aux transactions, même infructueuses, entre le LACMA, les artistes et les entreprises partenaires, sont publiés souvent intégralement avec les schémas techniques et des photographies glanées aux nombreuses étapes de conception et de réalisation. Propres à des projets où l’aide technique est sollicitée par l’artiste sans autre type de collaboration, certains textes décrivent minutieusement la réalisation matérielle de l’œuvre (Oyvind Fahlstrom, Boyd Mefferd, Richard Serra). D’autres textes rendent compte des difficultés posées en cours de processus et tributaires de l’échange entre l’artiste et la compagnie. Ainsi, dans un compte rendu, le lecteur apprend que John Chamberlain est mis au rancart par les employés de la Rand Corporation lorsqu’il choisit d’intervenir dans leur quotidien au lieu d’utiliser l’expertise à sa disposition. Jane Livingston décrit également la première rencontre entre le poète John Marlow et les ingénieurs de IBM comme un échec, tandis qu’ultérieurement, le jumelage de l’artiste avec une autre entreprise d’informatique, Information International, produit des conditions favorables à une collaboration fructueuse.

Le texte sur le projet d’Oldenburg, pourtant réalisé avec succès, présente surtout l’ambivalence de l’artiste à l’égard d’une méthode de travail rigide imposée par la compagnie Disney. En retour, les comptes rendus des projets de Robert Whitman et Robert Rauschenberg indiquent dans quelle mesure l’expertise diplomatique et technique contribue au succès du projet (les deux artistes sont rompus aux processus de collaboration, ayant participé à la création d’Experiments in Art and Technology) (1). Exemple isolé d’une subordination de l’artiste dans le programme, Jane Livingston signale qu’Andy Warhol a délégué certaines décisions esthétiques importantes à des représentants de la compagnie Cowles Communications, Inc.

Par ailleurs, des propositions proches de l’art conceptuel substituent le processus d’acquisition de connaissances comme fin en soi aux retombées matérielles.

Seuls artistes à faire équipe dans le programme, Robert Irwin et James Turrell profitent de leur résidence à la Garrett Corporation afin de poursuivre des recherches sur le conditionnement de la perception. Le texte évoque diverses expériences de privation sensorielle menées dans la chambre anéchoïque de l’University of California, Los Angeles et la conférence qui s’ensuit comme les uniques occurrences de ce projet. De façon semblable, James Lee Byars propose que sa présence au Hudson Institute et les différentes activités qu’il y organise constituent la proposition artistique et non une œuvre dérivée (« Putting Byars at the Hudson Institute is the artistic product »).

La dernière section du rapport comprend des notices historiques sur chaque entreprise participante avec leur insigne corporatif et le nom des artistes résidents, suivies d’une liste des entreprises sollicitées ayant décliné l’invitation du LACMA.

Vincent Bonin © 2005 FDL