Mon objectif, avec le projet de base de données sur les instruments d’artistes, était de créer un modèle-prototype pour cataloguer des dispositifs technologiques utilisés ou inventés par des artistes travaillant avec l’audio, la vidéo ou l’ordinateur. Le projet reflète mon intérêt de longue date pour ces dispositifs : comme artiste qui les a utilisés, comme préservatrice de médias consciente de l’impact de l’obsolescence de l’équipement, et comme chercheuse fascinée par la structure technique et l’histoire des outils électroniques, surtout ceux qui sont faits sur mesure.
La base de données est accessible gratuitement en tant que
fichier téléchargeable Filemaker Pro pour encourager les utilisateurs de multiples disciplines et de milieux professionnels à l’essayer et à l’évaluer. La base de données se veut une contribution pratique aux stratégies de documentation qui visent la compréhension et la conservation de dispositifs technologiques en tant qu’outils de fabrication de l’art et en tant que composantes des œuvres d’art électronique.
L’étude d’instruments et de dispositifs électroniques conçus ou utilisés par des artistes du 20e siècle en est à ses premiers balbutiements. Il faudra obtenir davantage d’information des artistes et des inventeurs pour que les générations futures comprennent cette période. Malgré quelques projets importants de recherche, notamment l’exposition
Eigenwelt der ApparateWelt: Pioneers of Electronic Art en 1992
(1) à Ars Electronica et le Video History Project du Experimental Television Center
(2), cet aspect de l’histoire reste non documenté. L’emplacement des dispositifs mêmes ainsi que les éléments matériels premiers et secondaires concernant leur développement, leur structure et leur utilisation sont peu connus.
Par ailleurs, les conservateurs soucieux de préserver des installations d’arts médiatiques sont mis au défi de comprendre et de décrire les dispositifs électroniques utilisés dans ces œuvres. Des études de cas comme celles faisant partie de
Modern Art: who cares?
(3), de
TechArcheology: A Symposium on Installation Art Preservation (2000)
(4) et du Réseau des médias variables
(5) illustrent concrètement l’importance cruciale de la documentation sur l’équipement pour la longévité de ces œuvres d’art contemporain.
N’étant ni collectionneuse ni membre du personnel d’une organisation de collection, je devais ancrer ma recherche en choisissant quelques dispositifs précis à étudier. Cette étude était nécessaire pour définir la structure de la base de données et fournir des données d’essai. Comme j’ai effectué une résidence au Experimental Television Center, je connaissais l’intérêt de Sherry et Ralph Hocking pour l’histoire et la longévité des divers outils utilisés par les premiers créateurs en art vidéo. Mon intérêt pour la préservation d’installations à composantes technologiques m’a amenée à collaborer à l’organisation du symposium
TechArcheology, où j’ai mieux compris le rôle de la documentation dans la conservation de ce genre d’œuvres. En réfléchissant à cette expérience, je me suis rendu compte que la base de données devait servir aussi bien pour les dispositifs commerciaux que sur mesure. J’ai aussi constaté que je m’intéressais davantage aux dispositifs inventés ou largement utilisés aux États-Unis dans les années 1970 et 1980 et aux dispositifs utilisés surtout dans les œuvres et les performances d’arts médiatiques.
Aux fins de mon étude, j’ai opté pour deux dispositifs faits sur mesure : le
Sandin Image Processor (processeur d’images) et le
Rutt-Etra Scan Processor (processeur de balayage). Les deux constituent d’importantes avancées dans le développement des instruments d’artistes durant les années 1970.
Le
Sandin Image Processor (IP) a été développé vers 1972 par l’artiste Dan Sandin, qui travaillait dans la région de Chicago. S’inspirant de la modularité du synthétiseur Moog, les signaux vidéo sont raccordés par une série de modules de traitement, ce qui permet à l’utilisateur de créer des effets visuels en temps réel grâce au mixage, à l’incrustation, au traitement couleur et autres techniques. La conception du
IP a été bien documentée grâce aux efforts de Sandin et de l’artiste Phil Morton qui ont notamment fourni des schémas et de l’information sur les différentes parties pour permettre à d’autres de construire le dispositif. La documentation était ensuite vendue au coût de la photocopie comme un genre de premier modèle de code source libre. On estime qu’environ vingt
IP ont été construits. Le modèle de base de données décrit un
IP construit par l’artiste Dick Sippel. Appartenant maintenant au Experimental Television Center, ce
IP comporte des modules construits sur mesure par Sippel qui étendent les possibilités du
IP « classique » créé par Sandin.