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Le Guggenheim Museum et la fondation Daniel Langlois

Le Réseau des médias variables

https://www.variablemedia.net/

Grahame Weinbren et Roberta Friedman, The Erl King, 1982-1985
Grahame Weinbren et Roberta Friedman, The Erl King, 1982-1985 Grahame Weinbren et Roberta Friedman, The Erl King, 1982-1985 Grahame Weinbren et Roberta Friedman, The Erl King, 1982-1985
Le concept de médias variables a été élaboré dès 1998 (1) par Jon Ippolito, conservateur associé au Guggenheim Museum de New York.

Ce concept propose de considérer la description d'œuvres indépendamment des médiums sur lesquels elles reposent. Ainsi, plutôt que d'énumérer les composantes physiques de l'œuvre, l'approche des médias variables cherche à comprendre les caractéristiques comportementales et les effets intrinsèques et constitutifs de l'œuvre. Il revient à l'artiste de décrire son œuvre par le biais de ses caractéristiques et effets, et ce sont ces derniers que devront respecter et reproduire les conservateurs et restaurateurs de demain. Ainsi, l'artiste définit lui-même les limites des interventions éventuelles pouvant être faites sur son œuvre. Le pari des médias variables tient au fait qu'il est probable que cette approche permettra de mieux préserver des œuvres comportant un certain nombre d'éléments de nature instable. Ces œuvres peuvent être de types variés, tels que la performance, l'art conceptuel, l'installation et, bien sûr, les œuvres comportant des éléments technologiques, ou reposant sur des structures et des réseaux eux-mêmes très instables.

Le concept des médias variables s'est rapidement propagé parmi plusieurs spécialistes de la conservation de l'art contemporain et responsables de collections muséales. Un colloque (2) réunissant plusieurs d'entre eux a été organisé au Guggenheim Museum de New York en 2001.

À cette occasion, de nombreuses études de cas ont permis d'explorer et de pousser encore plus loin le concept. Parmi les œuvres étudiées se trouvaient une installation vidéographique de Nam June Paik, une performance filmique de Ken Jacobs, un collage photographique de Jan Dibbets, une installation interactive de Felix Gonzalez-Torres et une œuvre en ligne de Mark Napier (3).

Au cœur du concept des médias variables se trouve un questionnaire par lequel l'artiste décrit les caractéristiques de son œuvre et choisit les stratégies de préservation les mieux appropriées. Ces caractéristiques permettent de déterminer si l'œuvre est installée, performée, reproduite, dupliquée, encodée, interactive ou en réseau.

Une fois ces caractéristiques déterminées, l'artiste est invité à sélectionner les stratégies de préservation les plus appropriées. Celles-ci peuvent aller de la simple mise en réserve, jusqu'à la réinterprétation, en passant par l'émulation et la migration.

Ces deux dernières sont bien sûr issues d'un contexte technologique mais peuvent également se comprendre dans un contexte élargi. Dans le contexte informatique, l'émulation propose de remplacer une couche matérielle devenue désuète par un logiciel émulant cette dernière sur des appareils contemporains et forçant celle-ci à se comporter comme l'ancienne. Cette stratégie permet d'avoir accès à des fichiers informatiques anciens sans avoir à les modifier. Par extension, l'émulation propose de trouver une manière d'imiter l'aspect original d'une œuvre ou de certaines de ses composantes par des moyens complètement différents. La migration dans son sens strictement technologique propose de transférer un signal vidéo ou encore du code informatique, vers un nouveau support, un nouveau format ou un nouvel encodage. Ainsi, faire migrer une œuvre implique de mettre à niveau de l'équipement ou encore le signal ou le code source, tout en tentant de maintenir intact le comportement de l'œuvre.

En 2002, la fondation Daniel Langlois s'est associée au Guggenheim Museum pour développer et diffuser davantage le concept des médias variables. Le partenariat entre ces deux organismes vise tout particulièrement à créer un réseau international d'organismes ayant comme objectif de développer une méthodologie et des outils appropriés. Pour y parvenir, plusieurs projets, événements et publications ont été ou seront réalisés :

- une publication entièrement bilingue, intitulée L'approche des médias variables : la permanence par le changement, a été produite et est accessible en ligne sur le site des médias variables (4). Cette publication contient de nombreux textes permettant de mieux saisir le concept et ses enjeux. Il s'agit entre autres de textes produits à l'occasion de la conférence de New York en 2001. Parmi les œuvres étudiées se retrouvent, outre celles mentionnées plus haut, The Erl King de Grahame Weinbren et Roberta Friedman. Des textes de Bruce Sterling, John G. Hanhardt, Carol Stringari, Nancy Spector, Jeff Rothenberg, Richard Rinehart, Steve Dietz, Thomas Mulready et d'autres sont autant de points de vue sur le concept des médias variables.

- en 2002, la fondation a permis d'explorer l'intégration du concept des médias variables au sein d'un organisme muséal important, en créant la bourse de recherche en conservation des médias variables du Guggenheim Museum. Caitlin Jones, titulaire de cette bourse, a ainsi été en mesure de mieux cerner les conséquences de ce type d'intégration et pourra, dans le courant de 2003, partager les nouvelles connaissances acquises auprès des organismes qui se joindront au réseau.

- dans le cadre de son programme de chercheurs en résidence, la fondation a fait appel à Jeff Rothenberg, chercheur en informatique et spécialiste de l'émulation. M. Rothenberg élaborera un modèle de cas d'étude permettant de mieux comprendre comment utiliser l'émulation comme stratégie de préservation.

- un site Web (5) permet de s'informer sur le développement du concept. On y trouve la publication L'approche des médias variables : la permanence par le changement; des textes résumant les principaux aspects du concept, les retranscriptions intégrales ainsi que des extraits vidéo de la conférence de 2001. Seront éventuellement proposés des entrevues vidéo avec des artistes, ainsi que des exemples de réponses au questionnaire.

- une base de données expérimentale est mise à la disposition des membres du Réseau des médias variables. Cette base de données permet de conserver et de partager les informations produites par le questionnaire que les artistes sont invités à remplir. Une version de cette base de données est offerte en téléchargement sur le site Web des médias variables.

- un événement portant sur l'émulation proposera au public des œuvres reposant sur du code informatique dans leur version d’origine et dans une version émulée. L'exposition Seeing Double : Emulation in Theory and Practice, organisée par le Solomon R. Guggenheim Museum en partenariat avec la fondation Daniel Langlois, sera présentée du 19 mars au 16 mai 2004 au Guggenheim Museum de New York. Seeing Double a été organisée par Carol Stringari, restauratrice principale en art contemporain; Caitlin Jones, spécialiste des médias variables; et Jon Ippolito, conservateur associé des arts médiatiques. Afin d'évaluer le succès de l'émulation dans ses études de cas, le musée sollicitera les commentaires de spécialistes en préservation, des artistes concernés et du grand public à l'égard des œuvres originales et émulées. Les commentaires seront diffusés lors du symposium public Echoes of Art: Emulation As a Preservation Strategy (Échos de l'art : l'émulation comme stratégie de préservation) qui se tiendra le 8 mai 2004 au Peter B. Lewis Theater du Guggenheim. Le programme vise à susciter une discussion sur le rôle de l'émulation pour assurer la pérennité de la culture numérique à l'intention des générations futures. Une suite au symposium Preserving the Immaterial , organisé par le Guggenheim en mars 2001, Echoes of Art examinera les leçons tirées des études de cas présentées lors de Seeing Double ainsi que le rôle que l'émulation et la nostalgie suscitée par les anciennes technologies ont joué en art contemporain, qu'ils jouent actuellement dans les jeux vidéo et la culture des jeunes et qu'ils joueront dans les efforts futurs en matière de préservation. Parmi les participants, mentionnons les artistes Mary Flanagan, Roberta Friedman, jodi, John F. Simon Jr. et Grahame Weinbren; ainsi que les spécialistes de la préservation Tilman Baumgaertel, Jean Gagnon, Francis Hwang, Caitlin Jones, Christiane Paul, Jeff Rothenberg, Jill Sterrett et Carol Stringari.

Alain Depocas © 2003 FDL

(1) Ippolito, Jon. «The museum of the future: a contradiction in terms?», Artbyte. Vol. 1, no. 2 (June/July 1998). Sous «Crosstalk». — p. 18-19.

(2) Preserving the Immaterial: A Conference on Variable media, Guggenheim Museum, New York, 30-31 mars 2001.

(3) Il s'agit, dans l'ordre, de TV Garden, 1974; Bitemporal Vision: The Sea, 1994; A White Wall, 1971; Untitled (Public Opinion), 1991 et Net Flag, 2001.

(4) https://www.variablemedia.net/f/preserving/html/var_pub_index.html

(5) https://www.variablemedia.net/