L'activité artistique sur Internet a connu une progression tout aussi fulgurante que le réseau lui-même et déjà, après seulement sept ou huit ans d'histoire, les projets artistiques réalisés pour Internet posent d'importants problèmes de préservation. C'est à cette problématique que le projet ArtBase de Rhizome s'intéresse.
Rhizome a été fondé en 1996 par Mark Tribe, en vue de fournir une plate-forme de discussion à la communauté d'artistes et de critiques déjà en train de se former. Les activités de l'organisme s'articulent autour de trois axes principaux : susciter la communication et les échanges critiques à l'égard des arts médiatiques; faire connaître les œuvres d'intervenants en arts médiatiques à un public plus large; et préserver ces œuvres pour qu'elles restent accessibles dans l'avenir.
Rhizome s'impose très rapidement comme lieu d'échange incontournable pour cette communauté. Progressivement, d'autres volets viennent s'ajouter au forum de discussion, tels que les « Splash Pages », des projets servant de page d'accueil au site Web de Rhizome et produits par des artistes comme Robbin Murphy, Jodi et Olia Lialina. Plus récemment, Rhizome a ajouté des interfaces alternatives qui offrent un accès différent aux diverses ressources proposées par l'organisme.
ArtBase constitue à ce jour le projet le plus ambitieux de Rhizome. Il s'agit d'archives de projets d'art sur Internet dont les objectifs sont multiples.
- La préservation proprement dite des œuvres en ligne : ArtBase propose de mettre en place les mesures techniques et méthodologiques nécessaires pour pérenniser l'accès aux œuvres dans le futur. La très grande diversité de type de projets et de technologies utilisées posent évidement des défis de taille. Mais un des intérêts du projet ArtBase est, d'une part, de pouvoir s'appuyer sur l'expertise de la communauté qui constitue Rhizome et, d'autre part, d'avoir réuni un comité d'experts qui se penche sur les aspects méthodologiques de la conservation d'œuvres en ligne.
Ce comité est formé d'artistes, de critiques et de conservateurs qui ont été, pour la plupart, parmi les pionniers des pratiques artistiques sur Internet. On y trouve, entre autres, Benjamin Weil, fondateur en 1995 d'un des premiers sites Web voués à l'art en ligne, äda'web,
(1) et maintenant conservateur au San Francisco Museum of Modern Art; Peter Weibel (Zentrum für Kunst und Medientechnologie, Karlsruhe); Gerfried Stocker (Ars Electronica, Linz); Roger Malina (directeur de la revue Leonardo); Barbara London (Museum of Modern Art, New York); Jon Ippolito (Guggenheim Museum, New York); Max Anderson (Whitney Museum, New York); et Steve Dietz (Walker Art Center, Minneapolis). Le comité compte aussi un représentant de la fondation Daniel Langlois, Alain Depocas. Rhizome réalise également des recherches portant sur des pratiques et des normes en archivistique (comme le protocole de métadonnées Dublin Core par exemple) provenant de divers groupes de recherches, tels que le réseau CIAO (Conceptual & Intermedia Arts Online), ou encore d'organismes comme AMICO (Art Museum Image Consortium).
- La documentation des œuvres en ligne, en privilégiant particulièrement l'information fournie par les artistes et créateurs afin de mieux connaître leurs intentions et de pouvoir caractériser les spécificités de leurs œuvres. Ces informations sont primordiales pour la préservation des œuvres et permettent, entre autres, de sélectionner les stratégies de préservation les plus appropriées.
- L'indexation des œuvres, selon quatre axes, soit par type (textuel, sonore, vidéo, etc.), par catégories (téléprésence, participative, hors ligne, documentaire, etc.), par technologies (HTML, Java, Flash, etc.) et par mots clés (désir, corps, vie artificielle, interface, etc.). De plus, le projet ArtBase puise dans la vaste banque de textes de Rhizome et propose des liens entres les œuvres et des textes pertinents qui permettent de mieux contextualiser l'œuvre et ses problématiques.
Le projet ArtBase a été lancé sous forme de projet pilote à la fin de 1999, avec un contenu de plus de soixante-dix œuvres en ligne. On y retrouve, entre autres, des œuvres de Mark Amerika, Simon Biggs, Natalie Bookchin, Heath Bunting, Vuc Cosic, Critical Art Ensemble, Ken Goldberg, I/O/D, Jodi, Lev Manovich, Mark Napier, ®™ark (RTMArk), Alexei Shulgin, Victoria Vesna et Annette Weintraub.
Le financement de la fondation a servi à la mise au point et à la mise à jour de cet outil essentiel au domaine de la conservation et de la préservation des œuvres numériques. La conservation des œuvres d'art Internet en est encore à ses débuts et ArtBase constitue une des premières initiatives d'envergure dans ce domaine.