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Yvonne Spielmann, La vidéo et l'ordinateur

L'esthétique de Steina et Woody Vasulka

L’image comme processus

Steina et Woody Vasulka, The Matrix, 1970-1972
Steina, Distant Activities, 1972 (version intégrale) (video)
Steina, Distant Activities, 1972 (version intégrale) (video)
Heraldic View
Heraldic View
Discs
Discs
Dans la série d’émissions, Six Programs for Television, réalisées en 1978 par les Vasulka pour la chaîne WNED (Buffalo, New York), Woody Vasulka décrit et analyse les événements audiovisuels à la source des installations multiécrans formant le corpus Matrix (1970-1972). Matrix I (noir et blanc) et Matrix II (couleur) sont des installations mono canaux, qui mettent en relief le phénomène de l’image cheminant à travers une matrice de moniteurs (a). Le signal vidéo issu de la caméra et des données générées dans le dispositif sont traités directement pour exposer le mouvement d’alternance des plans sonores et visuels, notamment « le réglage du son par l’image et vice versa ». Pour réaliser ces effets d’interférence, le signal vidéo transite par un synthétiseur audio (le Putney audio synthesizer) qui « rend audible son contenu énergétique » (W.V.). Bien que la visée de ces installations consiste principalement à faire défiler l’imagerie de haut en bas et latéralement à travers de nombreux moniteurs, Matrix exploite également l’imagerie issue d’une boucle de rétroaction (Distant Activities) (b), d’un motif généré par oscillateur (Heraldic View) (c), ou d’un motif abstrait (Discs) (d).

En se penchant sur la structure de toute matrice, il est important de noter que le débat philosophique plus général sur la matrice trace un parallèle conceptuel entre la description technique de l’image matricielle et le discours médiatique sur celle-ci. La matrice est considérée comme une métaphore d’un ordre visuel paradoxal. Les discours médiatiques et philosophiques conviennent que la matrice pointe vers une structure invisible qui se révèle seulement par le truchement de défaillances, forçant la structure de la matrice à prendre forme dans le champ visuel. La matrice du médium audiovisuel constitue le lieu où surgissent des événements de nature paradoxale, car « des situations logiquement incompatibles » (1) deviennent techniquement possibles. Comme le montre Matrix des Vasulka, l’image entendue comme processus est essentiellement paradoxale. À titre d’image variable, nécessitant d’être synchronisée verticalement et horizontalement pour prendre forme, le processus électronique manifeste le phénomène matriciel qui « superpose des contradictions ». (2) Mise de l’avant dans les approches expérimentales, la simultanéité multidirectionnelle caractérise une donnée de base, généralement inapparente, de la vidéo. C’est ainsi que l’exploration de la technologie propre au médium électronique (analogue au film structuraliste/matérialiste) rend visibles la simultanéité et le synchronisme comme principes de construction dans des expériences matricielles. Les situations paradoxales, possibles en vidéo lorsque le médium est appréhendé à titre de processus et dans son aspect variable, mettent également au premier plan le potentiel matriciel du numérique.

Yvonne Spielmann © 2004 FDL

(1) Krauss E., Rosalind, The optical unconscious, Cambridge, MIT Press, 1993, p.220-221.

(2) Ibid.