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Ricardo Dal Farra

Collection de musique électroacoustique latino-américaine

Musique ici... et là

César Bolaños en 1966 dans le  laboratoire CLAEM, Buenos Aires.
Entretien avec César Bolaños
Entretien avec César Bolaños
Entretien avec Horacio Vaggione, 2003
Entretien avec Horacio Vaggione, 2003
Entretien avec Alfredo del Mónaco
Entretien avec Alfredo del Mónaco
Selon le Répertoire international des musiques électroacoustiques / International electronic music catalogue de Hugh Davies de 1968, Mauricio Kagel (n. Buenos Aires, 1931) a composé huit études électroacoustiques en Argentine entre 1950 et 1953. Puis, de 1953 à 1954, il a créé Música para la Torre (aussi connue sous le nom de Musique de Tour ), une sonorisation de quelque 108 minutes, qui comprend un essai sur la musique concrète, à l’intention d’une exposition industrielle à Mendoza. Kagel a, en vain, tenté d’établir un studio de musique électronique en Argentine pendant les années 1950. Il a déménagé en Allemagne en 1957, où il a composé, entre autres, Transición I pour sons électroniques en 1958 et Transición II pour piano, percussion et deux magnétophones en 1958-1959.

Reginaldo Carvalho (n. Guarabira, 1932) a composé ses premières œuvres de musique concrète sur bande entre 1956 et 1959 au « Estudio de Experiencias Musicais » (Studio d’expériences musicales) à Rio de Janeiro. De ce nombre, mentionnons Si bemol, qui date de 1956 et est probablement la première œuvre de musique concrète réalisée au Brésil; Temática et Troço I, composées la même année; Troço II, en 1957; Estudo I, en 1958; et Estudo II, en 1959. Si les premières œuvres sur bande reposaient toutes sur des sons de piano, Carvalho a aussi fait appel au verre et au bois comme sources sonores.

Au Chili, León Schidlowsky (n. Santiago, 1931) a composé Nacimiento, une œuvre de musique concrète sur bande, en 1956. À l’époque, Juan Amenabar (n. Santiago, 1922 - d. Santiago, 1999) et José Vicente Asuar (n. Santiago, 1933) expérimentaient des techniques électroacoustiques à Radio Chilena, à Santiago. En 1957, le Taller Experimental de Sonido (Atelier de son expérimental) a été institué à l’Université Catholique de Santiago par Amenabar et Asuar, de concert avec un petit groupe de compositeurs : Schidlowsky, Mesquida, Rivera, Quinteros, Maturana et García. Fernando García a dit au sujet du Taller : « Il a été créé en 1957, et l’idée n’était pas de parler de musique et de produire des concerts théoriques, mais plutôt d’apprendre les mystères de l’électronique ». Juan Amenabar a donné la première de sa composition sur bande Los Peces en 1957. Asuar a écrit Mechanic and Electronic Generation of Musical Sounds pour sa thèse en génie et en 1958 il a créé le premier studio de musique électronique du Chili à l’Université Catholique, où il a composé ses Variaciones Espectrales, dont la première a eu lieu en 1959.

Kagel n’était pas le seul compositeur argentin à s’intéresser aux nombreuses possibilités des technologies et techniques électroacoustiques à cette époque. Tirso de Olazábal (n. Buenos Aires, 1924 - d. 1960) vivait à Paris au début des années 1950, où il travaillait avec des médias électroacoustiques et a composé Estudio para percusión pour bande en 1957. Il a aussi organisé un des premiers concerts de musique électroacoustique en Argentine en 1958. À la fin de cette année-là, l’Estudio de Fonología Musical a été fondé à l’Université de Buenos Aires par Francisco Kröpfl (n. Timisoara, Roumanie, 1931) et Fausto Maranca; c’est dans ce labo qu’en 1959 et 1960 Kröpfl a composé ses premières œuvres avec sons électroniques : Ejercicio de texturas et Ejercicio con Impulsos. Pendant la même période, César Franchisena (n. General Pinedo, 1923 - d. Córdoba, 1992) expérimentait aussi avec des sources sonores électroniques à la station de radio de l’Université Nationale de Córdoba et a composé Numancia, sa musique de ballet pour bande, en 1960. Et un jeune Horacio Vaggione (n. Córdoba, 1943) commençait au même moment à s’intéresser à Córdoba au potentiel musical des technologies électroacoustiques, composant Música Electrónica I pour bande en 1960 et Ensayo sobre mezcla de sonidos, Ceremonia et Cantata I en 1961.

Avant cela et en n’utilisant que des sources sonores électroniques, Hilda Dianda (n. Córdoba, 1925) a composé Dos Estudios en Oposición pour bande en 1959, travaillant au Studio di Fonologia Musicale de la RAI (radio et télévision italiennes) à Milan. Un autre compositeur argentin, Mario Davidovsky (n. Médanos, 1934), a composé des pièces pour bande, Electronic Study No.1 en 1960 et Electronic Study No.2 en 1962 au Columbia-Princeton Electronic Music Center de New York. En 1962, il a commencé à composer une série de pièces mixtes sous le nom générique de « Synchronisms » et a reçu le Prix Pulitzer en 1971 pour Synchronisms No. 6, œuvre pour piano et son électronique, composée en 1970. À l’instar de Davidovsky qui s’était rendu aux États-Unis, l’Argentin Edgardo Cantón (n. Los Cisnes, 1934) s’est retrouvé en France. Il y a composé plusieurs pièces électroacoustiques pendant les années 1960, dont Animal Animal en 1962 et Tout finit par tomber dans le même trou en 1963. Parallèlement, à Buenos Aires, Miguel Angel Rondano (n. Godoy Cruz, 1934) intégrait aussi les médias électroacoustiques à son travail au début des années 1960; il a notamment composé La batalla de los ángeles pour bande en 1963 ainsi que Promenade et 2 Times, deux pièces pour ballet sur bande, la même année.

En 1965, un groupe de compositeurs a fondé le Centro de Música Experimental (Centre de musique expérimentale) à l’Université Nationale de Córdoba. Ce groupe comprenait Oscar Bazán (n. Cruz del Eje, 1936), Pedro Echarte, Carlos Ferpozzi (n. Córdoba, 1937), Graciela Castillo (n. Córdoba, 1940), Virgilio Tosco (n. Achiras, 1930 - d. Córdoba, 2000) et, pendant un certain temps, Horacio Vaggione. En 1963, alcides lanza (n. Rosario, 1929), qui a commencé à faire des expériences avec des magnétophones vers 1956, a réalisé l’élément bande de Contrastes pour deux pianos et bande de Armando Krieger (n. Buenos Aires, 1940). En 1965, lanza a composé sa première pièce pour bande, exercise I [1965-V], en 1965 au Columbia-Princeton Electronic Music Center. lanza compte plus de 70 œuvres faisant appel à l’électronique dans son catalogue. Enfin, l’Argentin Dante Grela (n. Rosario, 1941) a composé sa première pièce pour bande, Música para el film 'C-65', en 1965 dans le studio de son domicile à Rosario, et en 1968 il a composé Combinaciones pour chœur mixte, percussion et bande.

À Cuba, peu après la révolution en 1961, Juan Blanco (n. Mariel, 1919) composait Música para danza, sa première pièce sur bande, à l’aide d’un oscillateur et de magnétophones. En 1961 et 1962, il a composé Estudios I y II; en 1962 et 1963, Ensamble V; et en 1963 Interludio con Máquinas et Ensamble VI, toutes des pièces pour bande. Sa première œuvre mixte pour orchestre et bande est Texturas, composée entre 1963 et 1964. En 1964, Blanco a aussi organisé le premier concert public de musique électroacoustique tenu à Cuba, et l’année suivante il commençait à créer de la musique électroacoustique pour de grands événements publics et de grands lieux. Ses œuvres englobent notamment Música para el Quinto Desfile Gimnástico Deportivo pour orchestre symphonique, groupe de jouets sonores et bande, en 1965; Ambientación Sonora, une pièce sur bande jouée de façon inversée (play-back) au moyen d’un réseau spécial de haut-parleurs pour distribution spatiale du son au pavillon de Cuba pendant l’Exposition universelle de 1967 (Expo 67) à Montréal, Canada; et Ambientación Sonora (1968), une pièce sur cinq pistes jouée pendant 30 soirs le long de l’avenue La Rampa à la Havane. Blanco a composé une centaine d’œuvres électroacoustiques.

Pendant ce temps en Argentine, le Centro Latinoamericano de Altos Estudios Musicales (CLAEM) l’Instituto Torcuato Di Tella de Buenos Aires (Centre latino-américain d’études musicales supérieures de l’Institut Torcuato Di Tella) était un important point de rencontre pour étudiants et compositeurs de l’Amérique latine. Le compositeur argentin Alberto Ginastera a fondé le Centre en 1962 et l’a dirigé jusqu’à sa fermeture au début des années 1970. Des compositeurs comme Blas Emilio Atehortúa et Jacqueline Nova de Colombie, Rafael Aponte Ledée de Porto Rico, Florencio Pozadas de Bolivie, José Ramón Maranzano, Eduardo Kusnir et Pedro Caryevschi d’Argentine, Ariel Martinez et Antonio Mastrogiovanni d’Uruguay, Alejandro Nuñez Allauca du Pérou, et Gabriel Brncic du Chili, entre autres, ont travaillé au labo de musique électronique du CLAEM et créé de nouvelles pièces en utilisant ses ressources électroacoustiques. Ils ont aussi assisté aux conférences de compositeurs de renommée internationale qui venaient d’Europe et d’Amérique du Nord, dont Luigi Nono, Iannis Xenakis, Bruno Maderna, Aaron Copland, Olivier Messiaen, Vladimir Ussachevsky et Luigi Dallapiccola, pour n’en nommer que quelques-uns.

Le compositeur péruvien César Bolaños (n. Lima, 1931 - d. Lima, 2012) est arrivé à Buenos Aires en 1963 avec une bourse pour étudier au CLAEM et a été en charge du labo de musique électronique pendant quelques années à partir de sa création en 1964. En fait, cette année-là, Bolaños a composé Intensidad y Altura, la première œuvre électroacoustique produite au CLAEM. Au cours des années suivantes, il a beaucoup utilisé l’électroacoustique et les techniques informatiques dans sa musique, composant des pièces pour bande et pièces mixtes et travaillant avec l’électronique en direct et le multimédia. Il a, entre autres, composé Interpolaciones pour guitare électrique et bande en 1966; Alfa-Omega pour deux récitants, chœur mixte dramatique, guitare électrique, contrebasse, deux percussionnistes, deux danseurs, bande magnétique, projections et lumières en 1967. À la suite de ses expériences informatiques avec le mathématicien Mauricio Milchberg, ils ont composé Canción sin palabras ou ESEPCO II pour piano avec deux interprètes et bande en 1970 (ESEPCO correspond à « estructura sonoro-expresiva por computación » ou « structure informatique à expression sonore »). Également du Pérou, Edgar Valcárcel (n. Puno, 1932) était au CLAEM en 1963-1964, mais c’est au Columbia-Princeton Electronic Music Center de New York qu’il a composé ses premières pièces avec sons électroniques : Invención pour bande en 1967 et Canto Coral a Túpac Amaru pour chœur, percussion et bande en 1968.

Au Brésil, Jorge Antunes (n. Rio de Janeiro, 1942), qui a créé en 1961 une pièce électroacoustique dans le studio de son domicile en utilisant un piano et des ondes en dents de scie électroniques, a composé une œuvre l’année suivante en utilisant seulement des sources sonores électroniques. Valsa Sideral est considérée comme la première réalisation du genre au Brésil. En 1963, Antunes a composé Música para varreduras de freqüência, en 1964 Fluxo luminoso para sons brancos I, et l’année suivante Contrapunctus contra contrapunctus, toutes des pièces pour bande. Pendant ces années-là, Antunes a aussi composé des œuvres mixtes et multimédias, dont Ambiente I pour bande, lumières, objets statiques et cinétiques, encens et nourriture en 1965; Cromoplastofonia I pour orchestre complet et bande en 1966; et Invocaçao em defensa da maquina pour percussion et bande en 1968. Antunes a reçu une bourse pour étudier au CLAEM à Buenos Aires en 1969 et 1970 et a composé des pièces pour bande, Cinta Cita pendant sa première année et Auto-Retrato Sobre Paisaje Porteño l’année suivante.

En Uruguay, Coriún Aharonián (n. Montevideo, 1940) et Conrado Silva (n. Montevideo, 1940) ont aussi commencé à intégrer des ressources électroacoustiques à leurs pièces au début des années 1960. Aharonián ne les utilisait d’abord que dans sa musique pour le théâtre. En 1966, il a composé Hecho 2 (en tres partes y en re), une pièce de théâtre musicale pour piano préparé, claves xylophoniques, générateurs électroniques d’ondes sinusoïdales et carrées, cloches tubulaires, quatre idéophones ou membranophones, six magnétophones et pinceaux, et en 1967 Música para aluminios pour trois instrumentalistes et bande. Aharonián a aussi reçu une bourse pour étudier au CLAEM en 1969 et 1970, où il a composé Que, une pièce pour bande.

En 1964, Conrado Silva a composé Musik für Zehn Kofferradiogeräte (Musique pour dix radios portables ou Música para 10 radios portátiles), utilisant des ordinateurs pour organiser le matériel compositionnel dans sa pièce. Après quelques années d’expérimentation et de composition en Uruguay, il a déménagé au Brésil en 1969, s’occupant de promouvoir la musique électroacoustique et d’y fonder plusieurs studios de musique électronique. De 1971 à 1989, Silva, Aharonián et d’autres compositeurs ont coordonné les Cursos Latinoamericanos de Música Contemporánea (cours latino-américains de musique contemporaine), tenus dans diverses villes de l’Amérique latine. Les cours sont devenus des modèles pour la nouvelle musique dans la région.

Le compositeur bolivien Alberto Villalpando (n. La Paz, 1942) a commencé à tâter de la musique électroacoustique à Buenos Aires au Conservatoire national de musique en 1962 et plus tard au CLAEM. De retour en Bolivie en 1965, il a poursuivi son travail sur les techniques de bande magnétique. Villalpando a composé plusieurs pièces pour bande et pièces mixtes, dont Mística No. 3 pour double quatuor à cordes, cor d’harmonie, flûte, contrebasse et bande, et Mística No. 4 pour quatuor à cordes, piano et bande, datant toutes de 1970.

Au Guatemala, Joaquín Orellana (n. Guatemala Ville, 1937) a composé Contrastes, musique de ballet pour orchestre et bande en 1963. Bénéficiant d’une bourse pour étudier en 1967 et 1968 au CLAEM, il y a composé Metéora pour bande. De retour au Guatemala, Orellana a composé Humanofonía pour orchestre et bande ou bande seulement en 1971; Malebolge (Humanofonía II) en 1972, Primitiva I en 1973, Sortilegio en 1978 et Imágenes de una historia en redondo (imposible a la equis) en 1980, toutes des pièces pour bande.

L’Estudio de Fonología Musical de l'Instituto Nacional de Cultura y Bellas Artes (INCIBA), établi en 1966-1967 par le compositeur et ingénieur chilien José Vicente Asuar, est considéré comme le berceau de la musique électroacoustique au Venezuela. Alfredo del Mónaco (n. Caracas, 1938) y a composé Cromofonías I en 1966-1967, la première œuvre de musique électroacoustique produite dans ce pays, et en 1967-1968 il a écrit Estudio electrónico I. Del Mónaco a ensuite passé quelques années à New York, où il a produit plusieurs pièces pour bande et pièces mixtes au Columbia-Princeton Electronic Music Center avant de revenir au Venezuela au milieu des années 1970. Parmi ses œuvres, mentionnons Metagrama pour bande en 1969-1970; Alternancias pour violon, alto, violoncelle, piano et sons électroniques sur bande en 1971; Syntagma [A] pour trombone et sons électroniques sur bande en 1971-1972; et Estudio electrónico III pour bande en 1974.

Carlos Jiménez Mabarak (n. Tacuba, 1916 - d. Mexico, 1994) est généralement reconnu comme étant le premier compositeur mexicain à avoir créé une pièce sur bande, El paraíso de los ahogados en 1960. Il a aussi composé La llorona, musique de ballet pour petit orchestre, oscillateur électronique, timbales, percussions, piano et cordes en 1961, et La portentosa vida de la muerte pour bande en 1964.

Le compositeur équatorien Mesías Maiguascha (n. Quito, 1938) intégrait déjà des médias électroacoustiques dans sa musique au milieu des années 1960 lorsqu’il est allé vivre en Allemagne. Certaines de ses premières œuvres comprennent El mundo en que vivimos pour musique concrète et sons électroniques sur bande (1967), composée pour le documentaire polonais Dort wo wir leben; Hör-zu (1969) et Ayayayayay (1971), toutes deux pour bande; et Übungen pour violon, clarinette, violoncelle et trois synthétiseurs (1972-1973).

Héctor Quintanar (n. Mexico, 1936) a composé plusieurs pièces utilisant des ressources électroacoustiques pendant les années 1960, dont Aclamaciones pour chœur, orchestre et bande en 1967; Sideral I pour bande en 1968; et Símbolos pour groupe de chambre (violon, clarinette, sax, cor d’harmonie, trompette, trombone, piano), bande, diapositives et lumières en 1969. En 1970, il a été nommé directeur artistique du premier Laboratoire de musique électronique fondé à Mexico. Durant les années suivantes, il a composé plusieurs pièces dans ce labo, notamment Opus 1 en 1970; Suite Electrónica en 1971; Voz pour soprano et sons électroniques; et Mezcla pour orchestre et bande, toutes deux en 1972.

Ce qui précède n’est qu’une brève introduction à la vaste production musicale de compositeurs latino-américains durant les années 1950, 1960 et 1970. La plupart d’entre eux travaillaient dans des conditions précaires, mais avaient en commun un intérêt et un enthousiasme débordants à l’égard de l’expérimentation, de la recherche et de la création de nouvelle musique au moyen de techniques de composition d’avant-garde et les plus récentes technologies à leur disposition. Cet esprit et cette créativité persistent toujours, et j’estime que la musique le devrait aussi.

Ricardo Dal Farra © 2004 FDL

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