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Ricardo Dal Farra

Collection de musique électroacoustique latino-américaine

Cuire, congeler... apprécier et faire apprécier

Instituto Torcuato Di Tella (CLAEM), Buenos Aires, Argentine, 1966
Afin de rendre accessible au public l’information et les œuvres musicales pouvant être d’intérêt, tout en veillant à sauvegarder le matériel que j’avais déjà collectionné et en sachant qu’une grande partie de ce dernier serait difficile à trouver et à écouter en Argentine ou dans des pays voisins, je cherchais un endroit où la préservation des documents était non seulement importante mais aussi possible. J’estimais que la fondation Daniel Langlois pour l’art, la science et la technologie à Montréal serait le lieu idéal où proposer mon projet.

J’ai fait une demande au programme de chercheur en résidence de la fondation et j’ai proposé de constituer des archives et une base de données à partir de ma collection personnelle d’enregistrements et de documents. Les archives entièrement numériques seraient préservées et rendues accessibles pour écoute au Centre de recherche et de documentation (CR+D) de la fondation, et la base de données fournirait l’accès public par Internet.

Deux subventions consécutives comme chercheur en résidence en 2003 et des activités continues en 2004 m’ont permis de travailler près de 20 mois avec des enregistrements sur bobines, cassettes analogiques et bandes audionumériques (DAT), vinyles longue durée et CD. J’ai numérisé ou converti des enregistrements à partir de différents formats, fait du montage au besoin, et j’ai versé dans la base de données de la fondation tous les renseignements sur les pièces (titre, compositeur, année de composition, instrumentation, notes de programme, studio de production, version, durée, bio du compositeur, etc.). À ce jour (novembre 2004), il y a environ 1800 fichiers audio numériques qui sont archivés au CR+D, la plupart en format AIFF, stéréo, 16 bits, 44,1 KHz.

Le travail a été considérable : il m’a fallu naviguer au travers d’une myriade de problèmes techniques (pannes massives de disques durs, trouver des magnétophones pouvant lire d’anciens formats de pistes, re-numériser du matériel pour s’adapter à de sérieux décalages en continu dans de l’équipement flambant neuf, conflits SE et FireWire, etc.), définir la meilleure façon de travailler avec des enregistrements très vieux et bruyants (quelques pièces ont été traitées au moyen d’un système de débruitage avancé pour atténuer le sifflement, tout en préservant l’enregistrement d’origine et en suivant le conseil du compositeur), travailler avec trois ordinateurs différents et neuf disques durs pour gérer les fichiers audio et visuels, la base de données et la grande quantité d’information et les communications internationales quotidiennes, et la liste se poursuit.

Les archives comptent des pièces pour médias fixes (bandes, DAT, CD ou similaires) ainsi que des œuvres mixtes pour instruments acoustiques ou voix et médias fixes ou systèmes électroniques/interactifs en direct. Les archives comprennent aussi quelques œuvres multimédias. Dans le cas des pièces pour médias fixes et autres sources sonores (p. ex. œuvres mixtes), les enregistrements complets ainsi que des parties « bande seulement » (c.-à-d. médias fixes) (signaux) sont préservés et catalogués. Les archives comprennent aussi des enregistrements audio et audiovisuels d’interviews avec des compositeurs et des novateurs techniques ainsi que des photographies, des vidéos, des DVD et quelques très rares partitions.

La majeure partie de l’information textuelle contenue dans la base de données est accessible par le site Web de la fondation Daniel Langlois. L’accès en ligne à un moteur de recherche polyvalent permet à l’utilisateur d’explorer les données par titre, compositeur, date, etc.

La plupart des compositeurs représentés dans ces archives sont nés dans des pays d’Amérique latine. Il y a aussi quelques compositeurs qui, bien que n’étant pas originaires de la région, ont poursuivi au moins une partie de leur carrière musicale en Amérique latine. La base de données renferme de l’information sur des compositeurs associés à 18 pays d’Amérique latine : Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Costa Rica, Cuba, République dominicaine, Équateur, El Salvador, Guatemala, Mexico, Panama, Paraguay, Pérou, Porto Rico, Uruguay et Venezuela. La liste de compositeurs et de compositions dans les archives ainsi qu’un certain nombre de statistiques, comme les compositions par décennie et pays et les compositeurs par pays, sont accessibles sur le site Web de la fondation.

Il convient de noter que tous les fichiers audio ne sont pas tous des pièces complètes, étant donné que dans certains cas, chaque mouvement d’une composition est stocké dans un fichier différent avec son information individuelle correspondante (selon les règles que le compositeur a utilisées pour stocker son œuvre).

Un grand nombre de compositions des années 1960 et 1970 a été archivé ainsi qu’un nombre plus important de compositions des années 1980, 1990 et des années récentes. Seules quelques pièces des années 1950 ont été trouvées et incluses, et bien que nombre des premières compositions aient été perdues ou que l’enregistrement original ait été endommagé, nombre des bandes existant toujours peuvent être sauvées. Il existe des bandes dans des studios privés, des universités et au domicile des compositeurs, et un grand nombre d’entre elles ont été oubliées dans des institutions publiques pendant des décennies, et rien n’est entrepris pour préserver ces œuvres ou les rendre accessibles aux gens intéressés par ces compositions. J’espère que ces archives donneront l’impulsion nécessaire à des projets similaires pour aider à préserver, à documenter et à diffuser la musique électroacoustique, en Amérique latine et dans d’autres régions du monde ayant des situations historiques comparables.

Compte tenu des difficultés susmentionnées par le public pour avoir accès à cette musique, même dans des centres comptant des centaines ou des milliers d’heures d’enregistrements musicaux et des ressources humaines et techniques considérables, je considère comme une grande réussite le libre accès aux enregistrements inclus dans ces archives au CR+D de la fondation Daniel Langlois. J’espère que dans un avenir rapproché, ces archives trouveront un écho dans d’autres centres de recherche ou d’enseignement et que d’autres archives institutionnelles deviendront accessibles au public.

Une courte sélection de pièces est aussi accessible pour écoute sur le site Web. Plusieurs critères ont servi à définir cette sélection, notamment les dates (du milieu des années 1950 à 2004), la représentation géographique (15 pays), l’instrumentation (p. ex. des œuvres pour médias fixes, pièces mixtes pour instruments acoustiques ou voix et bande, électronique en direct), techniques, etc. Certains des textes dans la base de données ont d’abord été rédigés pour les rapports de l’UNESCO mentionnés précédemment.

Il est à noter que le terme « archives » utilisé dans le texte indique le lieu où sont entreposés à des fins de conservation un ensemble de documents de valeur ou d'intérêt spécial. Ces archives constituent le fruit de plus de 20 ans de recherche. Elles représentent aussi plus de 20 ans d’action, de création de liens de communication et de confiance, et un processus impliquant donner et recevoir.

Enfin, comme chercheur en résidence à la fondation Daniel Langlois, j’ai eu un accès téléphonique illimité pour faire des appels internationaux. Ce facteur apparemment mineur m’a permis de joindre des compositeurs que j’ai cherchés pendant des années, voire des décennies dans certains cas. Seule une personne ayant tenté de communiquer avec un grand groupe de personnes pour documenter des activités tenues il y a 40 ou 50 ans en Amérique latine peut réellement se rendre compte des complexités en jeu. Il existe une anecdote pratiquement derrière chaque enregistrement obtenu, chaque date confirmée et chaque courriel ou contact téléphonique. Les lecteurs seraient étonnés de connaître le temps nécessaire et les difficultés éprouvées pour obtenir les premiers enregistrements de Juan Blanco de Cuba ou de joindre Joaquín Orellana au Guatemala ou César Bolaños au Pérou, mais maintenant ces derniers et de nombreux autres sont présents dans ces archives, par leur musique, leurs enregistrements et leurs partitions. Je suis ravi d’avoir pu contribuer à garder vivantes les œuvres et la sagesse de ces merveilleux artistes, pour les générations actuelles et futures.

Ricardo Dal Farra © 2004 FDL

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