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Frances Dyson, Et puis ce fut le présent

Art et technologie

World Without Boundaries
E.A.T. et Pepsi

« Certains amis de Klüver reliés au monde de l’art ont vigoureusement dénoncé l’engagement de E.A.T. avec Pepsi-Cola qu’ils semblaient associer au complexe militaro-industriel. Klüver avait décidé qu’E.A.T. agirait uniquement à titre de conseiller. »

Dans ces propos datant de 1972, Calvin Tomkins évalue de façon cynique les intentions commerciales sous-jacentes au pavillon, laissant entendre que les circonstances et la confusion générale, plutôt que la volonté, ont joué un grand rôle dans le choix de Pepsi comme commanditaire. Parmi les thèmes adoptés par Pepsi en vue de sa participation à l’Expo 70 — hôte du futur pavillon —, le projet artistique ne figure pas au nombre des mots-clés « grandeur, jeunesse et communauté » visant à accroître le marché de Pepsi auprès des jeunes Japonais. En fait, E.A.T. apparaît tardivement dans la publicité officielle. Tomkins remarque que le département des relations publiques de Pepsi (n’ayant aucune idée de ce à quoi ressemblerait l’éventuel pavillon et par conséquent, hésitant quant à sa dénomination) songeait à utiliser le mot « sensosphère », jusqu’à ce qu’on s’aperçoive que « senso » signifie « guerre » en japonais. (1)

Bien que la collaboration entre E.A.T. et Pepsi-Cola pose dès le début de nombreux problèmes de financement, ce sont des questions de propriété intellectuelle et d’équipement qui transforment le pavillon, un projet autogéré par des artistes au départ, en une entreprise plus conviviale (user friendly) et dirigée en fin de compte par Pepsi. Lorsqu’on commence à poser des questions sur le financement nécessaire au fonctionnement du pavillon tout au long de l’exposition, et du droit de propriété sur les bandes enregistrées, les idées et l’ensemble du matériel après la fermeture de l’Expo, la relation entre E.A.T. et Pepsi s’évanouit. Après avoir récupéré certaines des cassettes de programmation, les artistes repartent pour New York le 25 avril. Président de la filiale japonaise de Pepsi-Cola, Alain Pottasch s’empresse alors de combler ce vide en empruntant des cassettes à une station de télévision japonaise. « Durant les jours qui ont suivi, les 37 haut-parleurs du pavillon diffusaient dans le dôme en miroir une musique de fanfare et la chanson thème d’« It’s a Small World », cadeau de Pepsi à l’exposition universelle de New York en 1964-65. » (2) Ces éléments seront par la suite intégrés dans une exposition à la Disney World japonaise. Le vœu de Whitman de « se dégager des environnements à la Walt Disney » n’a donc pas été exaucé. Alors que Klüver et certains artistes pensent que la querelle porte sur des divergences esthétiques, le point de vue de Pottasch est beaucoup plus pragmatique : le vrai problème, selon lui, se trouve dans « la montée en flèche des coûts du projet. »

Klüver tente alors de convaincre le président de Pepsi, Donald M. Kendall, d’accorder à l’ensemble du pavillon le statut d’œuvre d’art, assurant ainsi des droits de propriété intellectuelle aux artistes. Ne recevant aucune réponse à sa lettre, il invite alors les artistes à quitter les lieux. Après toute cette histoire, E.A.T. se retrouve criblé de dettes et son existence semble compromise. Heureusement, Theodore Kheel se porte garant de l’organisation. Et c’est ainsi que débute la longue association d’E.A.T. avec Automation House qui décide de l’appuyer.

Frances Dyson © 2006 FDL

(1) Rose, Barbara, « Art as Experience, Environment, Process », in Pavilion, sous la direction de Billy Klüver, Julie Martin et Barbara Rose, New York, E. P. Dutton, 1972, p. 8-9, 93. Tomkins, Calvin, « Outside Art », in Pavilion, sous la direction de Billy Klüver, Julie Martin et Barbara Rose, New York, E. P. Dutton, 1972, p. 134.

(2) Tomkins, ibid., p. 163.